| Mot du président Nouvelle politique énergétique... ou environnementale ? Par Nicolas Dalmau Président du Conseil de l’AQCIE et Vice-président, Énergie et développement stratégique, Alcoa Canada |
| | Au premier jour des consultations montréalaises de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, la présidente et chef de la direction de Gaz Métro, Sophie Brochu1, a identifié clairement le biais environnemental qui caractérisait déjà le document de consultation de la Commission. Déplorant notamment le peu d’intérêt que soulevait au Québec les avancées faites par son entreprise dans la conversion du transport lourd au gaz naturel, une initiative qui suscite ailleurs l’admiration, Mme Brochu soulignait la vision adoptée par le gouvernement dans cette consultation : ne considérer l’énergie que comme un « problème » environnemental. En fait la Commission semble consacrer tout son intérêt « économique » à l’électrification des transports – en passant, une solution virtuellement impossible à appliquer au transport lourd et de longue distance – dont les retombées économiques semblent d’autant plus intéressantes qu’elles demeurent largement hypothétiques. Ayant fait sa présentation devant le Commission le même jour, l’AQCIE peut témoigner du manque d’intérêt qu’elle y a trouvé pour l’économie et pour la non compétitivité du tarif L. Entendons-nous bien, l’AQCIE et ses membres soutiennent les initiatives relatives à l’environnement et à l’efficacité énergétique, comme en attestent les importantes réductions d’émissions de GES atteintes par ses membres et leur présence prépondérante parmi les membres Élite du réseau Écolectrique d’Hydro-Québec. Mais il faut aussi des forums où l’on peut parler d’économie, d’emplois et de création de richesse, dont le Québec a intensément besoin. Les discussions entourant l’élaboration de la future politique énergétique du Québec nous semblait une excellente occasion, mais force est de constater que ce n’est pas le cas à ce jour. Reste à attendre les recommandations de la Commission... Pourtant, la dégringolade du revenu médian des foyers québécois se confirme, provisoirement arrêtée au troisième rang de la queue du peloton à l’échelle canadienne. L’augmentation de l’Indice des prix à la consommation est plus faible ici que dans le reste du Canada : 1,1 % en août pour le Canada et seulement 0,8 % pour le Québec, nous sommes loin de la surchauffe économique. La comparaison de notre prospérité avec les trois autres provinces les plus peuplées du Canada, réalisée par le Conseil du patronat du Québec dans son Bulletin de la prospérité du Québec 2013, demeure nettement défavorable et les données dévoilées par l’Institut de la statistique du Québec2 laissent craindre une récession, au Québec, alors que le reste de l’économie canadienne croît (voir le Mot du directeur-exécutif). La situation inquiétante des finances du Québec est, finalement, largement traitée dans les médias depuis quelques jours. En pareil contexte, où l’économie et les emplois devraient être la priorité de nos décideurs, nous cherchons en vain le moment et le lieu où nous pourrons enfin en parler. Car il ne faut pas juger de l’importance de la question économique à la faible préoccupation que semblait en avoir jusqu'à très récemment le gouvernement. La situation est préoccupante et pressante. Déjà, dans le secteur des alumineries, le tarif grande puissance d’Hydro-Québec, le tarif L, se situe dans le quatrième quartile. Il est impensable aujourd’hui d’entreprendre un projet de modernisation ou d’agrandissement au Québec avec un tel tarif. Plus de 75 % des alumineries de par le monde se font offrir mieux. Et pas besoin d’aller s’installer au Moyen-Orient, des prix près de la moitié moins élevés que le tarif L sont disponibles aux États-Unis. En 2016, les États-Unis deviendront des exportateurs nets de gaz naturel, grâce à leur exploitation des gaz de schiste. Le Québec peut bien décider de ne pas exploiter les siens, cela ne change rien au fait que des centrales thermiques à très faible coût redémarrent ou se construisent aux États-Unis. La perte de compétitivité des industries québécoises et la baisse des prix à l’exportation de l’électricité s’expliquent aussi par cela. La non compétitivité du tarif L, les risques de délocalisation et de fermeture d’usines qu’il représente, tout cela est moins « sexy » que l’électrification des transports ou l’atteinte de réductions de GES uniques en Amérique-du-Nord. Le professeur titulaire des HEC Pierre-Olivier Pineault avait à cet effet deux réflexions percutantes dans un texte publié récemment dans La Presse3 : « aucune société humaine n’a réduit du quart ses émissions de GES en cinq ans sans par ailleurs traverser une crise économique. », et, « Celles [les émissions] de l’industrie (28% des émissions, soit le deuxième secteur en importance après le transport) sont en déclin de 30% depuis 1990. Demander plus à l’industrie (aluminium, manufactures...) serait un suicide économique. » Le Québec a toujours cherché à se distinguer, à mettre en évidence ses caractéristiques propres et à en tirer avantage. Le développement symbiotique de l’hydroélectricité et des industries grandes consommatrices d’électricité en demeure d’ailleurs l’un des traits les plus marquants. Mais, pour que cet héritage perdure, il est aujourd’hui impossible de restreindre notre vision aux seuls enjeux québécois. Que ce soit par une révision en profondeur du tarif L ou par la signature de contrats d’approvisionnement en électricité à partage de risque, le Québec doit assurer à ses industries de l’électricité à prix vraiment concurrentiel, à l’échelle mondiale. Imaginez un instant l’ampleur additionnelle des surplus d’électricité québécois après la délocalisation ou la fermeture de quelques industries grandes consommatrices d’électricité, les pertes d’emplois en région, les transferts gouvernementaux pour tenter de les compenser et de trouver de nouveaux moteurs socio-économiques... N’est-ce pas aussi le rôle de La future politique énergétique du Québec de contribuer à éviter cela ? Une chose est certaine, l’AQCIE et ses entreprises membres sont disponibles pour discuter et prêtes à émettre des suggestions constructives pour éviter un tel scénario catastrophe. Notre intérêt, et celui de tous les Québécois, convergent sur ce point. Consultez notre mémoire ! 1. Voir Commission sur les enjeux énergétiques du Québec : c’est mal engagé ! 2. Baisse du produit intérieur brut au Québec au deuxième trimestre, communiqué de l’Institut de la statistique du Québec, émis le 26 septembre 2013 3.Voir S’imposer de plus grandes contraintes que les autres n’est pas sans risque
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