| | Mot du directeur exécutif Un réveil brutal Par Luc Boulanger Directeur exécutif, AQCIE |
| | Les données économiques publiées par l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) le 26 septembre1 dernier viennent supporter, de façon objective et factuelle, la note très médiocre de « C » accordée deux jours plus tôt par le Conseil du Patronat du Québec à l’économie québécoise, dans son Bulletin de la prospérité du Québec 2013 (voir encadré en bas de page). L’ISQ atteste que le PIB du Québec recule de 1,4 % en juin, ajoutant un quatrième mois consécutif de baisse à cette série démoralisante. La dégringolade de 2,9 % d’une année à l’autre, pour le deuxième trimestre, est encore plus inquiétante. D’autant plus que, pendant la même période, le PIB augmentait de 1,7 % au Canada, une hausse qui serait encore plus forte sans le boulet du Québec qui entre aussi dans cette statistique. Plusieurs provinces font donc beaucoup mieux que nous. PIB du Québec | 1er trimestre | + 0,3 % | 2e trimestre | - 0,7 %, en comparaison du 1er trimestre | 2e trimestre | - 2,9 %, en comparaison du 2e trimestre 2012 | Investissements au Québec (2e trimestre comparé au 1er trimestre) | Entreprises | - 3,3 % | Administrations publiques | - 7,3 % | Construction résidentielle | - 3,6 % | Construction non résidentielle | - 7,5 % | Autres données (2e trimestre comparé au 1er trimestre) | Consommation des ménages | + 0,4 % | Exportations internationales | + 3,8 % | Exportations autres provinces | + 1,4 % | Les nouvelles sur l’emploi sont également très mauvaises. Malgré les différences dans les évaluations qu’adoptent les partis politiques, l’enquête sur la population active (EPA) indique qu’entre août 2012 et août 2013, il s’est créé 256 100 emplois au Canada et seulement 5 100 au Québec2. Sur la simple base de sa population, le Québec aurait dû en créer au moins 10 fois plus. Les statistiques depuis le début de l’année 2013 étant encore plus navrantes, on parle alors de la perte de plus de 50 000 emplois, il est probable qu’au fil des prochains mois l’écart se creuse encore dans la création d’emplois au Québec, en comparaison du reste du Canada. Mais la situation canadienne n’est pas non plus au beau fixe, la Banque du Canada venant de réduire ses prévisions de croissance annualisée du PIB canadien de 3,8 % à une fourchette de 2 à 2,5 % pour 2013. Ce qui demeure nettement supérieur aux perspectives québécoise, que plusieurs institutions viennent elles aussi d’abaisser. Clément Gignac, vice-président et économiste en chef de L’Industrielle Alliance et ancien titulaire de ministères à vocation économique au Québec, a confirmé que c’était le cas pour son institution, qui a révisé à moins de 1 % sa prévision de croissance du PIB québécois cette année. Il ajoutait en entrevue3 qu’une contraction additionnelle des dépenses du gouvernement pouvant s’élever à près d’un milliard $ en quelques mois, pour atteindre l’équilibre budgétaire dès cette année, hausserait à 50 %, voire 60 %, le risque pour le Québec de tomber en récession. Un avis que plusieurs journalistes et analystes sont venus appuyer dans les médias. Il y a plus d’un an déjà, le Fonds monétaire international s’est ravisé, sur la vertu des coupes radicales dans les budgets des États. Plusieurs gouvernements provinciaux – l’Alberta, le Manitoba, le Nouveau-Brunswick, l’Île-du-Prince-Édouard et Terre-Neuve-et-Labrador4 – ont suivi cet avis au printemps dernier en annonçant un report d’un an du retour à l’équilibre budgétaire, sans pour autant encourir de décote. Dans la mesure où il maintient un contrôle serré de ses dépenses, le Québec peut donc éviter de garroter son économie sans ajouter une décote au casse-tête de la gestion de sa dette. Plusieurs sont d’avis qu’il est grand temps que le gouvernement du Québec consente non seulement à parler d’économie, mais qu’il passe à l’action. Qu’il enlève la lourde hypothèque que représentent plusieurs de ses règlements et projets de loi peu favorables aux entreprises et à l’investissement. En se montrant en plusieurs points moins ouvert aux entreprises que les autres provinces, et surtout que les États-Unis, et en étant moins disposé à offrir aux industriels québécois les conditions nécessaires à leur essor, le Québec se fait aujourd’hui distancer sur le plan économique et menace de se retrouver en récession, alors que ses voisins renouent avec la croissance. Faut-il poursuivre sur cette voie jusqu’à ce que la preuve de son échec soit entièrement faite ? Selon nous, il est largement temps d’opérer une ouverture envers les entreprises et les industries du Québec, de leur donner les moyens de contribuer pleinement à la création de richesse dont les Québécois ont absolument besoin pour maintenir leur niveau de vie et l’ensemble exceptionnel des services auxquels ils sont habitués. S’associer à l’annonce de la création d’emplois lourdement subventionnés n’est pas suffisant. Il est essentiel d’avoir des plans pour stimuler le climat d’affaires au Québec, pour accueillir des investissements étrangers. Et, pour attirer ces emplois et ces investissements, il faut tenir un discours beaucoup plus pro-économie que ce que l’on entendait jusqu'à tout récemment. Aux États-Unis, on a réussi à créer plus d’un million d’emplois dans le secteur manufacturier au cours des dernières années. Il y a certainement là des recettes dont le Québec devrait s’inspirer, puisque les États-Unis sont des concurrents directs dans l’accueil des nouveaux emplois et des investissements manufacturiers. Nouvelle politique énergétique pour le Québec À l’évidence l’actuelle Commission sur les enjeux énergétiques du Québec est un endroit où l’on gagnerait à parler beaucoup plus d’économie. Nous avons eu l’occasion d’exprimer nos vues sur la future politique énergétique, soulignant qu’elle se doit d’être un puissant vecteur de développement économique. C’est pourquoi nous nous expliquons mal, dans un contexte où le Québec traîne manifestement de la patte en matière économique, que l’accent de cette consultation semble surtout placé sur la réduction de gaz à effet de serre et sur l’indépendance énergétique, mais avec peu ou pas de pétrole et de gaz... L’AQCIE se joint à de nombreux intervenants économiques pour insister sur l’avènement d’un climat beaucoup plus inclusif dans la recherche de solutions. Ces dernières seront d’autant plus efficaces qu’elles seront élaborées conjointement avec les grandes entreprises actives au Québec, plutôt que malgré, ou encore pire, contre elles, comme cela s’entend trop souvent. La perte manifeste de compétitivité du tarif industriel d’électricité au Québec, le tarif L, rend impératif un changement profond dans notre façon de le réglementer. Un véritable mécanisme de réglementation incitative (voir l’article de Benoît Pepin [lien vers l’article]) pourrait redonner au tarif L, ou à des contrats d’approvisionnement en électricité à partage de risque, l’attrait nécessaire pour encourager l’investissement dans les installations industrielles existantes et la venue de nouvelles entreprises. Comment un observateur pourrait-il s’expliquer que l’on hésite à faire profiter les industriels québécois des surplus historiques d’électricité qui affectent le Québec, alors même que la province connaît d’importantes difficultés économiques ? L’AQCIE, en tout cas, ne peut s’expliquer que le Québec pratique en pareille circonstance des tarifs qui non seulement n’encouragent pas l’investissement, mais qui poussent à la délocalisation, à la désindustrialisation et à la perte de richesse qui les accompagne. La prochaine politique énergétique doit s’attaquer de front à cette situation intenable, elle ne peut pas considérer l’économie comme un aspect secondaire de l’équation. Bulletin de la prospérité du Québec 2013 – Le Conseil du patronat lance un cri de ralliement afin d’améliorer l’économie du Québec Voici un extrait du communiqué qu’émettait le CPQ le 24 septembre dernier. Un cri de ralliement qui doit être entendu ! Ainsi, si on compare sa situation avec notamment la moyenne de trois autres provinces les plus peuplées au Canada (Ontario, Alberta et Colombie-Britannique), le Québec a un produit intérieur brut (PIB) par habitant inférieur de 25 %, une moyenne des salaires inférieure de 16 %, un taux d’emploi inférieur de 4 %, un niveau de productivité inférieur de 17 %, un taux d’investissement privé inférieur de 5,4 %, des mises en chantier inférieures de 18 %, un taux d’accès à la propriété inférieur de 10,5 % et une dette publique supérieure de 30 %. C’est pourquoi le Conseil du patronat maintient encore cette année une note globale de « C » pour le Québec, basée sur une appréciation pour chacun des déterminants de la prospérité : Disponibilité et qualité de la main-d’œuvre | C | Coût de la main-d’œuvre | C- | Réglementation | D | Finances publiques | C | Environnement d’affaires | C | Moyenne | C | Pour télécharger le bulletin, cliquez ici | 1. Baisse du produit intérieur brut au Québec au deuxième trimestre. Institut de la statistique du Québec 2. Québec: guerre de chiffres sur l’emploi, La Presse, 30 septembre 2012, Rudy Lecours 3. http://www.radio-canada.ca/widgets/mediaconsole/medianet/6840007# 4. Québec: croissance en panne, recettes fiscales chétives, La Presse, le 30 septembre 2013, Rudy Lecours Retour au sommaire ›
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