MARS 2013  
VOLUME 7 | NUMERO 1  
 

 
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Mot du directeur exécutif

Des partenaires essentiels à la création de richesse

Par Luc Boulanger

Directeur exécutif, AQCIE


Afin de sensibiliser le gouvernement à l’importance de mieux circonscrire la mesure transitoire qu’il a imposée à la Régie de l’énergie dans le but de saisir les gains d’efficience demandés à Hydro-Québec, l’AQCIE s’est jointe à plusieurs grandes associations industrielles québécoises pour demander à rencontrer plusieurs des ministres à vocation économique du Québec1. La ministre Élaine Zakaïb a rapidement répondu à notre demande en organisant une rencontre le 19 février dernier, dont les suites sont attendues.

Le rôle essentiel des industries GCE

Nous lui avons d’abord souligné la relation symbiotique qui existe entre l’hydroélectricité et les industries grandes consommatrices d’électricités (GCE), qui constituent une partie essentielle de la structure industrielle du Québec. Depuis des décennies cette relation est l’une des grandes forces du Québec et, pour se poursuivre, elle doit s’appuyer sur des tarifs d’électricité concurrentiels, stables et prévisibles, assortis de programmes assurant la flexibilité nécessaire pour traverser les cycles économiques.

À la lumière des données statistiques et des résultats du dernier sondage de la société E&B DATA, nous avons pu souligner que les industries GCE exploitaient 148 usines au Québec, consommant plus du tiers de la production totale d’Hydro-Québec et offrant des recettes supérieures à 2 milliards $ au gouvernement. Plus de 83 000 emplois directs en dépendent, offrant une rémunération supérieure à la moyenne industrielle, sans compter le maintien et la création d’emplois chez des milliers de fournisseurs de biens et services. Le graphique suivant illustre d’ailleurs à quel point le rôle des industries GCE dans l’économie québécoise dépasse largement le simple nombre d’emplois qu’elles offrent. (cliquez sur l'image pour l'agrandir)

Diapo 5

En survolant les données statistiques de 2005 à 2011, on peut notamment conclure que les industries GCE ont offert, en comparaison du reste du secteur manufacturier, un niveau d’emploi plus stable ainsi qu’une reprise plus marquée des livraisons et des exportations, après la crise économique de 2008-2009.

Cela ne veut pas dire pour autant que tout va bien dans le meilleur des mondes. En effet, il y a seulement cinq ans, en 2008, les industries GCE comptaient non pas 148 usines, mais bien 161, qui consommaient 42 % de l’électricité produite par Hydro-Québec.


Le rôle de moteur socio-économique des industries GCE dans les régions du Québec n’en demeure pas moins un autre élément crucial. E&B DATA estime que plus de 80 % des dépenses réalisées au Québec par les industries GCE le sont à l’extérieur des grands centres urbains2. Ces dépenses en région se chiffrent en dizaines de milliards $ par an et, à l’exception du secteur agroalimentaire, il n’existe actuellement aucun autre secteur industriel en région capable d’approcher cet ordre de grandeur3. Or, comme nous le verrons maintenant, les industriels de ce secteur essentiel sont eux aussi affectés par une situation tarifaire préoccupante, un tarif M devenu dysfonctionnel.

Perte de compétitivité des tarifs d’électricité

Le premier des critères tarifaires essentiels évoqués plus haut, la compétitivité, s’est nettement détérioré au cours des ans, comme l’illustre Nicolas Dalmau dans son message du présent numéro. C’est à l’évidence le cas du tarif L qui se situe désormais dans le troisième quartile des tarifs industriels offerts de par le monde. Et c’est aussi le cas des industriels assujettis au tarif M, dont plusieurs sont actifs dans le secteur agroalimentaire, le principal moteur socio-économique des régions du Québec.

L’AQCIE, sur la base de ses constatations et d’un rapport d’expert4, a démontré devant la Régie de l’énergie que ce tarif était devenu dysfonctionnel, en raison de l’affectation depuis cinq ans de l’essentiel des augmentations au deuxième palier seulement de ce tarif. Cette situation affecte la compétitivité des industriels dont la consommation se situe régulièrement dans ce deuxième palier – et qui ne composent qu’environ 15 % des abonnés à ce tarif – puisqu’ils supportent à eux seuls toutes les augmentations. Afin d’appuyer la compétitivité des entreprises québécoises, il est impératif de corriger la situation des tarifs L et M.

Une mesure transitoire porteuse d’incertitudes...

Le modèle de réglementation de l’énergie au Québec a fait ses preuves et il est encourageant de voir le gouvernement et la Régie de l’énergie s’avancer vers la réglementation incitative, une approche susceptible d’améliorer encore la situation, tant pour le distributeur que pour ses nombreuses clientèles. Malheureusement, on ne peut apprécier entièrement ces avancées réglementaires, en raison de l’imposition de la mesure transitoire et de l’incertitude qu’elle nourrit. En enlevant à la Régie de l’énergie certains de ses droits et prérogatives, sans indiquer quand et comment ils lui seront rendus, le gouvernement nuit à la stabilité et à la prévisibilité des tarifs5.

...et, des modifications législatives inquiétantes

Le gouvernement, par sa Loi concernant principalement la mise en œuvre de certaines dispositions du discours sur le budget du 20 novembre 2012 (Loi 25), se donne carte blanche pour intervenir en tout temps et pour fixer les règles du jeu de la nouvelle réglementation incitative. En effet, le quatrième alinéa de l’article 48.1 oblige la Régie, dans les objectifs poursuivis par la nouvelle réglementation, à tenir compte de « tout autre objectif déterminé par le gouvernement ». Cette exigence étant de nature à limiter les pouvoirs et prérogatives de la Régie dans l’exercice de ses fonctions, elle constitue une ingérence qui suscite de sérieuses incertitudes quant à l’évolution des tarifs d’électricité au Québec.

Ainsi, l’incertitude entourant la réglementation des tarifs de l’électricité, ajoutée à la perte de compétitivité de ces derniers, rend plus difficile la décision d’investir au Québec pour les industries GCE. Or, ces investissements sont essentiels non seulement à la progression de leurs installations québécoises, mais bien à leur maintien et, ultimement, à leur survie. La concurrence est vive à l’échelle canadienne, continentale et mondiale entre les différentes entités des GCE pour attirer les investissements structurants chez elles. Un processus tarifaire entaché d’interventions exogènes peut pousser les investissements vers d’autres juridictions et, une fois ces investissements faits ailleurs, les projets visant le Québec peuvent être retardés ou annulés.

Cela peut sembler alarmiste, mais en raison de l’importance qu’occupe l’achat d’électricité dans les coûts d’exploitation des industries GCE (de 25 % à 80 %), ainsi que de l’envergure et de la perspective de long terme associées à leurs investissements, ces derniers ne peuvent être consentis que dans un contexte de compétitivité, de stabilité et de prévisibilité des tarifs. De plus, des programmes doivent aussi être disponibles pour aider les entreprises à faire face aux cycles économiques, justement dans la perspective du maintien à long terme de leurs exploitations au Québec.

L’urgence d’intervenir

Afin d’assurer la stabilité et la prévisibilité des tarifs, Il est essentiel que la réglementation entourant la mesure transitoire circonscrive clairement sa durée. Pour envoyer un signal clair sur sa nature transitoire, cette mesure ne devrait pas durer plus de deux ans. La restitution à la Régie de l’énergie de l’ensemble de ses pouvoirs et prérogatives, à l’échéance de la période transitoire, est tout aussi importante pour restaurer la confiance. Et, tel que prévu dans le cadre de la mesure transitoire, ce délai de deux ans devrait se conclure par l’instauration d’une réglementation incitative qui ne soit pas soumise à « tout autre objectif déterminé par le gouvernement ».

Retour à l’essentiel : la création de richesse

Dans un tel contexte, la mesure transitoire pourrait être considérée comme une mesure exceptionnelle ayant aidé le gouvernement, pendant une période de temps déterminée, à boucler son budget. Les industries GCE sauraient qu’à l’issue de cette mesure d’exception la réglementation de l’électricité en ressortira non seulement indemne, mais renforcée par l’adoption d’un modèle de réglementation incitative.

En garantissant aux GCE les conditions appropriées – compétitivité, stabilité, prévisibilité et flexibilité des tarifs d’électricité – elles peuvent se concentrer sur ce qu’elles font le mieux : la création optimale de richesse au Québec, dans l’intérêt de tous.

Notes

1. Outre l’AQCIE, les associations ayant participé à cette démarche auprès des ministres Nicolas Marceau, ministre des Finances et de l’Économie; Martine Ouellet, ministre des Ressources naturelles, et Élaine Zakaïb,ministre déléguée à la Politique industrielle et à la Banque de développement économique du Québec, sont l’Association de l’aluminium du Canada – AAC; l’Association canadienne des carburants – ACC; l’Association canadienne des fabricants de produits chimiques – ACFPC; l’Association minière du Québec – AMQ, le Conseil de l’industrie forestière du Québec – CIFQ, et la Table de concertation de l’industrie métallurgique.

2. Estimation basée sur l’examen de fichiers-fournisseurs d’entreprises grandes consommatrices d’électricité entre 2008 et 2010

3. Contribution économique des entreprises grandes consommatrices d’électricité au Québec, E&B DATA 2012

4. Consultez le mémoire déposé devant la Régie et l’étude sur le tarif M

5. Ce sujet est traité plus en détail dans mon texte De bonnes intentions, mais il y a la manière, en page 4 de la dernière édition de L’Énergique.

Notes

In Memoriam
M. Jean-Paul Théorêt
Président de la Régie de l’énergie

Jean-Paul ThéorêtLe 6 mars dernier s’éteignait Jean-Paul Théorêt, président de la Régie de l’énergie. D’abord homme d’affaires et député, il a ensuite amorcé en 1990 une carrière remarquable dans le domaine de la réglementation en occupant un poste de régisseur à la Régie du gaz naturel du Québec. En 1999, il a été nommé membre de l’Office national de l’énergie dont il est devenu le vice-président en 2003. Il a occupé ce poste jusqu’à sa nomination comme président de la Régie de l’énergie en 2005, poste qu’il a occupé jusqu’à son récent départ, en février dernier.

L’Association québécoise des consommateurs industriels d’électricité tient à souligner la compétence, le courage et la détermination dont M. Théorêt savait faire preuve, tout comme son ardeur infatigable au travail. Il aura largement contribué à faire de la Régie de l’énergie le tribunal bien établi, crédible et efficace que l’on connaît aujourd’hui. Nous tenons à rendre hommage non seulement aux qualités professionnelles de M. Théorêt, mais aussi à ses qualités humaines qui en faisaient une personne d’exception. Nos pensées l’accompagnent, ainsi que les personnes qui lui étaient chères.

Luc Boulanger
Directeur exécutif

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