Étrange fiduciaire : Hydro-Québec Distribution détourne 100 M$ de sa clientèle captive Par Luc Boulanger Directeur exécutif, AQCIE Avec la collaboration d’Olivier Charest, analyste pour l’AQCIE et le CIFQ

Hydro-Québec distribution (HQD) a un devoir de fiduciaire envers ses clients, lesquels sont des consommateurs captifs. Ceci implique de bien gérer son budget, notamment par l’optimisation des approvisionnements.

Dans son dernier dossier tarifaire, HQD a fourni deux exemples flagrants d’une mauvaise gestion des approvisionnements. Premièrement, elle laisse perdurer depuis plus de deux ans une situation où elle se trouve liée à Hydro-Québec Production (HQP) par un contrat d’intégration éolienne (équilibrage, etc.) désavantageux qui devait se terminer en 2011.

Parmi les désavantages de ce contrat, soulignons qu’il a pour effet de forcer HQD à acheter de l’énergie à haut prix (environ 90 $/MWh) d’HQP, et ce, alors même qu’elle peine à écouler ses surplus. Il lui faut alors tenter de revendre à perte cette énergie sur les marchés ou, lorsque les prix sont trop bas, comme en 2012, laisser de l’électricité patrimoniale inutilisée. Dans une telle situation, sa perte atteint 65 $/MWh. HQD devra peut-être acquérir jusqu’à 600 GWh de la sorte cette année, pour une perte de près de 40 M$. Dans quelques années, lorsque tous les parcs éoliens actuellement sous contrat seront en service, cela pourrait bien doubler… sans compter les 800 MW annoncés ce printemps.

Une mauvaise gestion des approvisionnements devient aussi apparente dans le refus d’HQD de différer certaines livraisons d’énergie prévues à ses contrats avec HQP. Rappelons qu’HQP avait remporté deux contrats lors du premier appel d’offres d’HQD, pour un total de près de 5,3 TWh par année, à raison d’un peu moins de 6 ¢/kWh. Or, en raison d’amendements à ces contrats datant de 2008 et de 2010, HQD pouvait reporter une partie de ces livraisons à plus tard. Ceci lui permettait non seulement de réduire ses surplus actuels mais aussi de bénéficier, dans l’avenir, d’une plus grande quantité d’électricité à un prix relativement modeste (une fois qu’HQD utilise toute l’électricité patrimoniale, 6 ¢/kWh devient un assez bon prix considérant qu’il s’agit de livraisons garanties, à laquelle une certaine puissance est rattachée).

En refusant de différer, HQD laisse encore ici de l’électricité patrimoniale inutilisée. En fonction des calculs de Co Pham, analyste pour l’Union des consommateurs, HQD pouvait différer 2,1 TWh en 2013 et ainsi épargner 63 M$, en remplaçant cette énergie par de l’énergie patrimoniale autrement perdue. Ces calculs ont été confirmés par la Régie de l’énergie dans sa décision D-2013-021.

Au total, la mauvaise gestion d’HQD aurait coûté près de 100 M$ à ses clients – un impact de près de 1% sur les tarifs - n’eût été de l’intervention de la Régie, qui a soustrait 30 M$ au montant prévu pour les approvisionnements, laissant tout de même 70 M$ absorbés dans les tarifs (une hausse de 0,6 %). En avantageant son fournisseur, HQP, au détriment de ses clients, HQD ne respecte pas son devoir de fiduciaire.

Il faut aussi souligner que si les amendements proposés le 7 juin par le ministre des finances au projet de loi 25 étaient adoptés, HQD perdrait le droit de différer de l’énergie. La Régie ne pourrait même plus l’y contraindre.

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