AUTOMNE 2013  
VOLUME 7 | NUMERO 3  
 

 
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Économies énergétiques sans investissements : retour d’expérience européen
Par Guillaume Tarel
vice-président
Artelys Canada Inc.

et Sylvain Mouret

consultant et responsable de produit, Artelys SA

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Pour maintenir leur compétitivité, les industriels québécois doivent continuellement faire preuve d’innovation en matière d’efficacité énergétique. Cependant, les pratiques opérationnelles économes sont parfois très complexes à identifier pour des systèmes industriels de grande taille. Un projet financé par la commission européenne a rendu possible le développement et la mise à l’essai d’une solution logicielle permettant de diminuer les coûts énergétiques, par l’optimisation des stratégies de gestion opérationnelle. Utilisé dans l’une des dix plus grandes raffineries d’Europe, l’outil a livré dans un premier temps des économies de 10 %, sans investissement.

De manière alternative ou complémentaire à de coûteux investissements, l’analyse et l’amélioration des bonnes pratiques opérationnelles est un formidable outil pour générer des économies d’énergie. Toutefois, lorsqu’il est question de systèmes énergétiques très complexes, comme ils le sont souvent dans l’industrie, il faut d’abord identifier ces bonnes pratiques. Prenons l’exemple d’une raffinerie, qui consomme et produit de la vapeur à différentes pressions. Dans un tel cas, choisir judicieusement les moyens de production à activer en fonction des besoins en vapeur est un exercice délicat. La difficulté est augmentée lorsque l’électricité peut être achetée ou vendue sur des marchés ouverts, rendant son prix très variable.

Pour analyser rapidement et à peu de frais un projet d’efficacité énergétique simple en milieu industriel, on peut utiliser le logiciel d’analyse de projets d’énergie propres RETScreen ou les différents modules du logiciel Intégration de CanmetÉNERGIE, soutenus par Ressources naturelles Canada, ou encore les outils proposés par le département de l’énergie des États-Unis. Mais pour aller plus loin, encore peu d’outils de simulation sont capables de prendre en compte conjointement les critères économiques et financiers et les nombreuses contraintes opérationnelles d’un système énergétique complexe, compor­tant par exemple des chaudières ou des turbines à vapeur avec des courbes de rendement particulières, des coûts de démarrage ou des durées de fonctionnement minimum. Ces outils de simulation avancés sont pourtant nécessaires, car les moyens d’analyse simples ne permettent pas de capturer la complexité réelle de la gestion opérationnelle.

Pour répondre à ce besoin et dans la perspective des engagements de réduction des émissions de gaz à effet de serre de l’Europe, la Commission européenne a financé le projet Citines, ayant pour but de développer un logiciel d’aide à la décision permettant à la fois d’évaluer des stratégies énergétiques, de réduire les coûts énergétiques et les émissions de CO2. Ceci inclut notamment le développement de la solution Artelys Crystal Industry, dont les fonctionnalités permettent d’analyser la dynamique de systèmes industriels complexes et d’étudier les stratégies de gestion opérationnelle.

L’outil se distingue notamment par sa capacité à supporter toutes les étapes de travail composant l’étude de stratégies de gestion (réconciliation d’historiques, génération de stratégies optimisées, simulation de stratégies personnalisées, prévisions de prix/demande), tout en s’adaptant aux contextes industriels les plus complexes. Il a fait l’objet de premiers tests très concluants visant à améliorer l’efficacité énergétique et l’impact environnemental de la raffinerie de Tüpraş à Izmit en Turquie (8,5 millions de tonnes de brut traitées en 2010, plusieurs centaines de GWh de consommation annuelle d’électricité).

La raffinerie de Tupras

La raffinerie de Tüpraş à Izmit en Turquie

Le système énergétique de cette raffinerie est complexe à de nombreux points de vue : une demande très variable impose des simulations au pas de temps réduit (heure par heure) et une dizaine de vecteurs d’énergies différents sont présents (gaz naturel, fioul, vapeur à différentes pressions, électricité...). Plus d’une dizaine de moyens de production sont utilisés (turbines à vapeur, à gaz, chaudières...) ayant des contraintes opérationnelles diverses (capacités minimale et maximale selon le combustible utilisé, réserves de sécurité...). Enfin, une connexion au réseau électrique permet des arbitrages sur les marchés de l’électricité (jour d’avant, temps réel).

Le plan de travail mis en place dans le cadre de l’étude de la raffinerie d’Izmit, en s’appuyant sur Artelys Crystal Industry, permet de répondre à ces problématiques de manière rigoureuse et rapide. La première étape consiste à intégrer la description du portefeuille d’actifs industriels et de production d’énergie (à la fois en termes techniques et économiques) et les données associées. Le modèle qui en résulte est ensuite validé sur les données historiques fournies par l’industriel, à travers une simulation permettant de réconcilier le réalisé avec les contraintes modélisées.

Les phases d’acquisition de données, de paramétrage et de validation sur l’historique achevées, commence alors la partie la plus passionnante, à savoir la réponse aux questions opérationnelles : Quand utiliser la vapeur, et à quelle pression ? Quel combustible utiliser (gaz ou mazout) et quand ? Comment utiliser les capacités d’interconnexion en fonction de la fluctuation des marchés ? Le logiciel permet de répondre à ces questions grâce à la simulation d’une gestion optimisée (calculée automatiquement par l’outil) ou à la simulation de règles de gestion personnalisées (paramétrées par l’utilisateur).

Capture d'écran

Les premiers résultats montrent une diminution de près de 10 % des coûts et des émissions polluantes, sans investissements et sans utiliser les marchés de l’électricité, c’est-à-dire dans un contexte proche de celui du Québec, où le marché n’est pas ouvert à l’intérieur du réseau d’Hydro-Québec. Ces gains sont obtenus par la définition de nouvelles règles de gestion, simples à implémenter sur le terrain. Des simulations complémentaires montrent qu’il est possible d’obtenir des économies supplémentaires du même ordre en agissant sur les marchés de l’électricité, une option qui n’est pas accessible dans le contexte québécois. fin

Notes

Note de la rédaction : En règle générale, nos articles sont rédigés par des membres du conseil d’administration de l’AQCIE, des représentants de nos entreprises membres ou encore par des fournisseurs réguliers de services et d’expertise, comme notre analyste Olivier Charest, ou Jean Matuszewski, président d’E&B DATA, responsable de nos sondages auprès des industriels québécois. Nous avons reçu récemment, d’un fournisseur de services auprès de la grande entreprise, le projet d’article que nous publions ici, le jugeant d’intérêt général pour notre lectorat. Vos commentaires seront appréciés.

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