DÉCEMBRE 2009  
VOLUME 3 | NUMERO 4  
 
Mot du président

Les mois à venir seront cruciaux pour
les grandes entreprises du Québec

Par Carl Yank

Président du Conseil de l’AQCIE et
Directeur général, ERCO Mondial


Alors que la reprise économique est encore en phase d’incubation pour bien des industries, le gouvernement du Québec a annoncé son intention, dans un effort d’assainissement des finances publiques, d’augmenter de 1¢/kWh le bloc patrimonial. Inutile de dire que, pour les grandes entreprises consommatrices d’électricité, cette possibilité relève du scénario catastrophe, car 1¢/kWh équivaut à une augmentation de 22 % des tarifs industriels, ce qui, lorsque l’on considère que le coût de l’énergie peut représenter jusqu’à 60 % des coûts d’exploitation des usines, constitue une hausse impossible à considérer, particulièrement dans les circonstances actuelles.

Il faut savoir que cette très timide reprise se fait par soubresauts, nous le voyons dans nos carnets de commande, qui n’ont pas retrouvé leurs niveaux d’avant la crise et dont la croissance est loin d’être constante. C’est pourquoi, sans qu’ils ne le claironnent sur tous les toits, plusieurs dirigeants dans les sièges sociaux de nos entreprises mondialisées réévaluent à l’heure actuelle les «parcs» d’usines et prennent des décisions quant à l’avenir de chacune. Parmi les facteurs considérés, il y a bien entendu les coûts d’exploitation et les conditions économiques dans lesquelles elles évoluent. Raison de plus pour ne pas leur donner d’arguments de quitter le Québec, en haussant substantiellement les tarifs industriels, ce qui tuerait l’embryon de reprise que l’on connaît et remettrait en cause les fondements de notre développement industriel.

Autre conséquence de cette reprise par soubresauts, notre modèle d’affaires, fondé depuis des décennies sur une production 24/7, semble remis en cause depuis la crise sans que l’on sache si cette tendance se poursuivra ou non. En conséquence, plus que jamais, nos entreprises ont besoin de flexibilité dans leur approvisionnement en électricité.

Le gouvernement du Québec a saisi cette nouvelle réalité et dans un effort pour demeurer un site de localisation de choix pour les grandes entreprises, il a reconnu ce besoin urgent d’une flexibilité accrue, notamment en adoptant le décret 954-2009. Mais, il doit continuer à nous appuyer en ce sens, car le retour à la normale est loin d’être acquis. Nous avons d’ailleurs, dans une lettre à la ministre des ressources naturelles, Mme Nathalie Normandeau, demandé une meilleure concertation entre Hydro-Québec et les fonctionnaires pour définir des options tarifaires, qui permettraient une meilleure flexibilité à grande échelle.

Plus globalement, il ne faudrait pas que dans sa volonté d’assainir les finances publiques, objectif que nous partageons, le gouvernement ne pose des gestes, qui auraient pour conséquence une augmentation de 22 % des tarifs industriels, ce qui entraînerait la délocalisation de production réalisée au Québec vers d’autres juridictions. Le développement économique du Québec est fondé depuis des décennies sur la transformation sur place de notre électricité, un modèle qui l’a bien servi à ce jour, même s’il traverse des heures difficiles.

Il n’y a qu’à voir, notamment chez nos voisins du Nouveau-Brunswick, combien des tarifs industriels d’électricité élevés ont eu un effet dévastateur sur le tissu industriel de cette province. Il en est question dans le texte de Luc Boulanger sur les avantages de l’achat de Énergie NB par
Hydro-Québec.


Un sondage auprès des entreprises pour en savoir plus

Afin de mieux documenter notre argumentaire pour convaincre le gouvernement de l’importance de ne pas compromettre la reprise et de continuer de miser sur les grandes entreprises pour le développement économique du Québec, nous avons lancé un sondage auprès des grandes entreprises consommatrices que nous avons l’intention de présenter au ministre des Finances, M. Raymond Bachand, à l’occasion des consultations pré budgétaires.

Ce sondage devrait permettre de dresser un portrait fidèle de l’état de santé de nos industries et d’anticiper les décisions qu’elles prendront. Le mandat a été confié à la firme économique indépendante, E&B Data, qui prendra contact avec les représentants énergie des grandes entreprises.

De mon côté, je continue à participer activement aux travaux du comité de vigie mis en place par le MDEIE et le MRNF, qui observe de près la situation vécue dans les différents secteurs d’activité économique et formule des recommandations sur les moyens à mettre en œuvre pour faciliter la relance.

Il faut être attentif aux signaux que nous envoie l’économie et être prêt à se mobiliser pour intervenir auprès du gouvernement face à la menace bien réelle d’une augmentation du bloc patrimonial qui serait désastreuse pour nos entreprises et les emplois qui en dépendent. Les mois à venir seront vraiment cruciaux !





« Ouvrir » le bloc patrimonial,
une décision aux lourdes conséquences
pour les entreprises consommatrices


Par Nicolas Dalmau
Directeur Énergie, Alcoa Canada
Vice-président de l’AQCIE


L’intention du gouvernement d’« ouvrir » de 1 ¢/kWh le bloc patrimonial constitue une très mauvaise nouvelle pour les grandes entreprises consommatrices d’électricité du Québec. Ce bloc, enchâssé dans la loi 116 en 2000, a été créé en contrepartie de la libéralisation des activités de production d’électricité au Québec. On se rappellera que le premier avis qui avait été signifié au gouvernement par la Régie de l’énergie, avant que la loi 116 ne soit sanctionnée, recommandait plutôt de réglementer les activités de production sur la base des coûts, au même titre que le transport et la distribution. Si le gouvernement avait donné suite à cet avis, les usagers québécois auraient bénéficié d’importantes baisses de tarifs, évaluées par les industriels à 5 G$ sur cinq ans.

L’objectif poursuivi par le gouvernement était donc d’assurer aux consommateurs québécois, industriels et résidentiels, un approvisionnement « patrimonial » de 165 TWh (environ la consommation québécoise à ce moment) à un prix ne pouvant dépasser 2,79 ¢/kWh. Ce prix établi par la loi pour la fourniture d’électricité n'inclut pas le transport et la distribution dont les tarifs sont établis quant à eux par la Régie de l’énergie.

Notons que le tarif de ce bloc patrimonial permet quand même un taux de rendement d’environ 25 % à Hydro-Québec Production (HQP). Comme l’écrivait le journaliste Robert Dutrisac dans Le Devoir du 3 octobre dernier : «En fait, le rendement d'Hydro-Québec, tiré du fameux tarif du « bloc patrimonial », ferait pâlir d'envie bien des pétrolières.»

Il ajoutait aussi dans le même article : «Ce tarif est lié à des centrales déjà pleinement amorties ou en voie de l’être, construites avec des dollars du passé. En fait, le coût de ce bloc patrimonial pour Hydro-Québec tend vers zéro.» Rappelons aussi qu’au moment de la création du bloc patrimonial, si la production avait été uniquement réglementée sur la base des coûts, ce n’est pas d’un gel dont les industriels auraient bénéficié jusqu’en 2004, mais bien d’une baisse des tarifs.

Par contre, en fixant l’existence et les conditions du bloc patrimonial dans une loi et décrétant par la suite que seul un amendement législatif peut en hausser le prix, le gouvernement fournissait ainsi une solide garantie de stabilité de ce tarif. Cette garantie est de nature à rassurer les sièges sociaux des grands conglomérats, qui gèrent nos entreprises lorsqu’elles s’apprêtent à lancer des projets à forte capitalisation. À partir du moment où le gouvernement modifie la loi et augmente le tarif de ce bloc patrimonial, l’impact négatif sera immédiat sur les directions d’entreprises, qui ont à évaluer le Québec comme localisation de leurs projets d’investissement, voire comme siège de leurs activités.

Au-delà donc de l’augmentation de tarifs comme telle, c’est une rupture du pacte qui existait entre le gouvernement et ses clients, un pacte qui a pourtant bien servi le Québec en permettant de conserver nos acquis, d’éviter des délocalisations de production et d’assurer un développement économique dans les régions. De plus, en modifiant la loi une première fois, il sera difficile de convaincre des entreprises d’investir à long terme en leur promettant qu’elle ne sera pas amendée une autre fois. II s’agit d’un retour à l’arbitraire que justement la création du bloc patrimonial avait voulu empêcher.

Nous l’avons souvent répété à l’AQCIE, la stabilité et la prévisibilité des tarifs sont deux éléments cruciaux lorsque vient le temps pour les entreprises de prendre des décisions d’investissement et en ouvrant tout grand la porte à des modifications du bloc patrimonial, c’est un élément essentiel de stabilité qui vient de sauter.


Le moment ne pourrait pas être plus mal choisi

Il n’y a jamais de bon moment pour augmenter les coûts de production d’une usine, mais il est manifeste qu’en cette période de sortie de crise particulièrement lente et en dents de scie, à une période où les entreprises se demandent encore si elles retrouveront le rythme de production et les carnets de commande d’avant la crise, imposer un choc tarifaire sur l’électricité, une matière première, qui compte pour 60 % des coûts d’exploitation dans certains cas, tient du suicide économique.

S’il est vrai que les consommateurs résidentiels sont captifs et devront faire avec, les entreprises, elles, prendront sans délai les décisions d’affaires qui s’imposent. Plusieurs d’entre elles ont déjà procédé à l’évaluation comparative de leurs installations québécoises par rapport à l’ensemble de leurs usines à travers le monde, avant et après l’application d’une augmentation de 1 ¢/kWh du tarif patrimonial, ce qui représenterait une hausse de 22% de leurs coûts d’électricité. Si la situation actuelle était déjà précaire, après la hausse, le Québec serait assurément dans le peloton de queue pour toutes les industries : pâtes et papiers, aluminium, zinc, chimie, etc.


Pendant que Québec jongle avec un scénario de hausse
du bloc patrimonial, que font les autres juridictions ?


Dans plusieurs juridictions concurrentes, les gouvernements ont déjà offert de la flexibilité aux grands industriels pour qu’ils maintiennent leurs activités sur leur territoire. Qui plus est, les tarifs industriels sont même interfinancés par les autres catégories d’usagers, car ces gouvernements ont compris que de maintenir et renforcer leur base industrielle est la clé d’une sortie de crise solide et que les entreprises sont de précieux créateurs de richesse, qu’il faut retenir et attirer.

Par ailleurs, l’interfinancement qui existe au Québec est malheureusement dans l’autre sens, c’est-à-dire que ce sont les industriels qui interfinancent le résidentiel à hauteur de 116 % pour une facture annuelle de 250 M$. Cela a le double effet de nuire à la compétitivité des tarifs industriels et de ne pas envoyer le bon signal de prix aux consommateurs résidentiels.


Que faire avec l’électricité que les entreprises
ne consommeront plus?


Il se trouve des observateurs de la scène économique et énergétique pour dire que ce n’est pas grave d’augmenter ainsi les tarifs industriels, car il n’y a qu’à écouler les surplus d’électricité sur les marchés d’exportation. Or, il faut savoir que la situation s’est récemment détériorée de façon significative avec la combinaison de la baisse de la demande et de l’effondrement des prix du gaz naturel, dont les prix d’électricité dans les marchés limitrophes sont tributaires. C’est ce qui fait que le prix de l’électricité moyen depuis le début de 2009, sur le marché de l'Ontario par exemple, a atteint un bas historique à 2,9 ¢/kWh, soit 50 % de moins que les années précédentes, du jamais vu depuis la déréglementation de ce marché en 2002.

En outre, selon les prévisions de prix des «forwards», aucune remontée significative des prix n’est en vue à court terme. De plus, dans un horizon à plus long terme, on ne prévoit pas que les prix de gaz naturel vont atteindre les sommets de 2002, ce qui va contribuer à maintenir des prix d’électricité bas sur les marchés d'export.

Mentionnons également que Hydro-Québec est déjà un joueur majeur sur les marchés limitrophes et que les prix obtenus sur ces marchés sont fonction de la quantité offerte. Alors plus Hydro-Québec rend disponibles de grandes quantités d’électricité, moins c’est payant ! Dans ce contexte, l’exportation ne peut pas être considérée comme la panacée à une diminution éventuelle de la demande québécoise suite à l’augmentation des tarifs du bloc patrimonial.


Transformer sur place l’électricité :
une solution gagnante pour tous les Québécois


L’AQCIE a réalisé une étude auprès des grandes entreprises consommatrices qui a révélé que leurs dépenses d’exploitation s’élèvent à quelque 14 cents par kWh consommé, et ce sans inclure la fiscalité et les dépenses d’immobilisation, mais en comptant la masse salariale, les achats d’électricité, l’approvisionnement en matières premières du Québec et les biens et services professionnels et techniques. Cela confirme en chiffres les avantages indéniables du modèle québécois de développement industriel fondé sur des tarifs d’électricité compétitifs.

Il serait tout à fait déplorable que le gouvernement rompe ce pacte avec les entreprises en légiférant pour augmenter le bloc patrimonial. Cela créerait insécurité et perte de compétitivité à un moment où déjà plusieurs usines luttent pour leur survie ou tentent désespérément de trouver des moyens de baisser leurs coûts de production.






Achat de Énergie NB :
Une entente gagnante pour tous


Par Luc Boulanger
Directeur exécutif, AQCIE


L’AQCIE a pris connaissance avec grand intérêt de l’annonce conjointe par les gouvernements du Nouveau-Brunswick et du Québec de l’acquisition de Énergie NB par Hydro-Québec. Cette entente nous semble stratégique pour le développement économique des deux provinces et pourrait s’avérer porteuse non seulement pour les entreprises, mais pour les consommateurs résidentiels et les populations concernées. Sans compter que quand une entente est bonne pour l’économie, tous en profitent.

De plus, la situation économique du Nouveau-Brunswick, qui a motivé le gouvernement de cette province à en arriver à une pareille entente, est une illustration parfaite du fait qu’il est illusoire de penser faire du développement économique en appliquant des tarifs industriels d’électricité élevés. Cela, nous l’espérons, devrait inspirer le gouvernement du Québec dans les décisions qu’il aura à prendre dans les prochains mois et nous serons au rendez-vous pour le lui rappeler. Des tarifs d’électricité industriels compétitifs, stables et prévisibles, sont essentiels au maintien des entreprises, voire à leur croissance et leur développement.


Coup d’œil sur l’entente

Décortiquons les différents aspects de l’entente sous l’angle des marchés et des tarifs.

Pour la somme de 4,75 G $, HQ acquiert les actifs de distribution (Disco), de transport (Transco) et de production hydraulique (Genco) qui appartiennent à Énergie NB. Les actifs nucléaires de Pointe Lepreau (Nuclearco) seront acquis une fois cette centrale rénovée, vers le 1er janvier 2011, et son prix n’est pas inclus dans le montant de 4,75 G$. Les centrales au mazout et au charbon ne font pas partie de l’entente.


Le marché

Les clients résidentiels (incluant le commercial et l’institutionnel) comptent pour 9,5 TWh alors que le marché industriel représente 4,5 TWh. Deux blocs d’énergie patrimoniale sont donc institués pour fournir ces marchés, soit 14 TWh au total, un peu moins de 10 % de la taille du marché québécois. Présentement, le tarif résidentiel est de 11 ¢/kWh et le tarif des grands industriels de 6,5 ¢/kWh, tarifs qui sont parmi les plus élevés au Canada.

Énergie NB compte 39 clients dans la catégorie industrielle, dont 80 % ont des consommations qui sont équivalentes à celles du tarif M québécois. Entre cinq et dix clients se qualifieraient pour le tarif L québécois. Le tableau 1 illustre les prix payés dans les deux juridictions. On peut noter que les réductions de tarifs pour ces usagers seraient de plus de 30 % si le facteur d’utilisation dépasse 80 %. Les économies pour les usagers qui se trouveraient au tarif M pourraient aller jusqu’à 23 %, selon les informations obtenues.





Les tarifs

Si l’entente telle qu’annoncée est conclue, les tarifs résidentiels seraient gelés pour une période de cinq ans et évolueraient par la suite en fonction de l’indice des prix à la consommation en vigueur au NB. Les tarifs du bloc industriel seraient ramenés au même niveau que les tarifs L et M québécois et évolueraient en symbiose par la suite. Les coûts relatifs à la fourniture d’électricité au-delà de ces blocs patrimoniaux seraient intégrés, pour le marché industriel aux tarifs en vigueur chaque année. Pour le résidentiel, ils seraient comptabilisés et porteraient intérêt durant la période de gel pour être ensuite intégrés aux tarifs après la cinquième année. Il va de soi que cet approvisionnement post-patrimonial, comme au Québec d’ailleurs, serait fourni au prix du marché.

Lorsqu’on examine l’évolution de la consommation historique du secteur industriel au Nouveau-Brunswick, deux constats sont frappants. Dans un premier temps, la croissance de ce secteur s’est avérée plutôt modeste au cours de la décennie et on constate une diminution significative de 20 % au cours des deux dernières années. Le tableau 2 illustre très bien ces constats.





Tarifs et développement industriel

L’entente avec Énergie NB vient confirmer ce que l’AQCIE défend depuis des années, à l’effet que des tarifs d’électricité compétitifs, stables et prévisibles sont un des facteurs de localisation parmi les plus importants pour l’implantation de nouvelles usines et la pérennisation des usines existantes. D’ailleurs, quand on observe la baisse de la consommation du secteur industriel au Nouveau-Brunswick depuis 10 ans, l’érosion de la base industrielle de 25 % a certainement un lien avec le fait que les tarifs sont en moyenne 30 % plus élevés qu’au Québec, notamment.

Le gouvernement du Nouveau-Brunswick en est conscient puisqu’il a exigé dans l’entente que les tarifs industriels de sa province soient arrimés avec ceux du Québec. Cela confirme d’ailleurs que si Énergie NB offre des tarifs industriels plus élevés, ce n’est pas par choix, mais bien parce que dans les circonstances, elle ne peut pas faire mieux. D’ailleurs, au Nouveau Brunswick, contrairement au Québec, ce sont les autres classes d’usagers qui interfinancent les grands industriels, selon les derniers chiffres présentés devant la Commission de l’énergie et des services publics du NB pour la période 2007-2008. En effet, le ratio revenus/coûts pour la desserte des grands industriels est de 91 % alors qu’au Québec, ce ratio se situe plutôt autour 116 %. Cela indique qu’un maximum d’efforts est quand même déployé chez nos voisins pour protéger leur base industrielle en dépit des problèmes que connaît Énergie NB.

Cette érosion de la base industrielle du Nouveau-Brunswick en raison de tarifs non compétitifs devrait attirer l’attention de nos dirigeants politiques au Québec et surtout leur rappeler à quel point les entreprises réagissent fort et par des fermetures quand leur compétitivité est affectée.


Pourquoi cette entente est-elle souhaitable ?

Pour les industriels du Québec, cette entente est souhaitable, car elle ne fait que des gagnants dans le sens où elle comporte des avantages autant pour les industriels que pour les consommateurs résidentiels, autant de notre côté que du NB.

Elle constitue une reconnaissance par Hydro-Québec, Énergie NB et par les gouvernements des deux provinces que l’électricité constitue un outil de développement économique régional de premier plan. Dans la mesure où cette reconnaissance se matérialise par l’implantation de gestes concrets en matière tarifaire, c’est notre compétitivité globale face aux autres juridictions qui s’en trouvera renforcée.

Pour le Québec qui est en situation de surplus pour un avenir prévisible, l’accès au Nouveau-Brunswick et au marché américain ouvre des débouchés pour en assurer l’écoulement. D’ailleurs, en observant le graphique suivant, le caractère stratégique de l’entente se comprend de lui-même.



Cette entente est aussi excellente, d’abord au plan financier puisqu’elle permet un retour sur l’investissement de 10 % dès la première année. C’est Hydro-Québec dans ses activités de production qui en assumera le risque, ce qui contribue à éviter aux usagers aussi bien québécois que du Nouveau-Brunswick les risques relatifs à cette transaction.

C’est aussi une entente de long terme, qui rappelle un peu les accords d’avant la déréglementation, qui permettaient de financer les grands projets de centrales. Des ententes de même nature existent toujours avec le Vermont et Terre-Neuve et Labrador. L’ouverture des marchés a mis fin à ce genre d’accords puisqu’il est désormais possible de s’approvisionner sur les marchés. Cependant, selon certains experts, il y a maintenant un besoin de recourir à nouveau à ce genre d’accords de long terme pour financer la construction d’infrastructures, qui s’avèrent très coûteuses. D’ailleurs, le gouvernement et Hydro-Québec ont annoncé à plusieurs reprises qu’ils travaillaient à en structurer avec d’autres juridictions.

Du côté des avantages pour nos voisins, l’entente permet au NB de réduire sa dette de 40 %, ce qui donnera au gouvernement une marge de manœuvre pour initier de nouveaux projets et développer de nouveaux programmes. Elle gèle les tarifs des consommateurs résidentiels du Nouveau-Brunswick pour cinq ans, ce qui pourrait représenter, selon d’aucuns, 5 G$ de plus dans leurs poches et éventuellement dans l’économie par rapport à l’alternative pour eux de continuer d’investir dans une société d’État aux prises avec des difficultés insolubles. La Commission de l’énergie et des services publics du NB verra à réglementer les activités de transport et de distribution, ce qui protège les intérêts de ses citoyens.

Elle évite aussi au gouvernement d’acheter de l’énergie sur les marchés «spot» pour compenser l’interruption de la centrale de Pointe Lepreau, exercice qui lui permettra d’économiser plusieurs centaines de millions $.

L’entente est aussi un pas dans la bonne direction en ce qui a trait à la réduction des gaz à effet de serre, puisque des installations qui ne rencontrent pas les normes seront lourdement pénalisées.

Quant à ceux qui prétendent que l’entente prive le gouvernement du NB de dividendes en provenance de Disco, la division en charge de la distribution, il est important de noter que ces dividendes étaient en baisse depuis quelques années, se chiffrant à 3,5 M$ en 07-08, à 9,3 M$ en 08-09 et une perte de 137,6 M $ était projetée pour 2009-2010. En fait, il sera plus loisible au NB de rebâtir son tissu industriel grâce aux tarifs industriels prévus à l’entente, qui représentent une baisse du tiers face à ceux actuellement en vigueur. En misant ainsi sur les kWh générateurs de retombées qui sont destinés aux industries, le NB se place en meilleure situation concurrentielle.

Il y a aussi les tenants de la thèse que le Nouveau-Brunswick ne pourra plus bénéficier de sa position géographique de plaque tournante favorisant l’accès aux marchés déréglementés du Nord-Est et que c’est Hydro-Québec qui empochera les bénéfices. En fait, pour maximiser l’utilisation des infrastructures de transit vers ces marchés, encore faut-il que le coût de l’énergie produite soit suffisamment bas et en quantité suffisante pour permettre de transiger à profit sur ces marchés. Est-ce bien le cas pour Énergie NB ?

Par ailleurs, plus le flux de transit est élevé, plus c’est payant. Transco étant réglementé par la Commission de l’énergie et des services publics sur la base de ses coûts, les revenus de transit vont donc contribuer à optimiser l’utilisation de ces infrastructures et réduire d’autant le coût unitaire de transport pour les usagers du Nouveau-Brunswick, comme c’est d’ailleurs le cas au Québec avec TransÉnergie. Il est donc faux de prétendre que l’entente privera les citoyens du Nouveau-Brunswick des avantages inhérents à leur géographie.

En résumé, cette entente est une excellente nouvelle, qui comportera de multiples avantages pour tous. Les grands industriels l’appuient et souhaitent qu’elle entre en vigueur sans délai.





QUOI DE NEUF À LA RÉGIE

Par Luc Boulanger

Directeur exécutif, AQCIE



Des nouvelles normes et des nouvelles règles au programme


Les grands industriels participent dans cinq dossiers devant la Régie cet automne, dont deux sont déjà terminés, soit celui qui a donné lieu à l’autorisation de la suspension des activités de la centrale de TCE à Bécancour pour une autre année et celui des nouvelles normes comptables, les IFRS, qui est actuellement pris en délibéré. Au-delà de ces deux dossiers, nous participons également aux audiences sur l’établissement des tarifs de transport ainsi que ceux relatifs à la distribution. Finalement, nous avons signifié, comme l’an passé, notre intérêt à participer au dossier concernant l’approbation du plan d’ensemble de l’Agence de l’efficacité énergétique.


Les nouvelles normes comptables (IFRS)

On se souviendra que Hydro-Québec, dans ses activités de transport et de distribution, demande à la Régie d’appliquer une nouvelle méthode d’amortissement de ses actifs dès 2010, un an avant leur date d’entrée en vigueur. Ce changement de méthode, soit le passage à un amortissement linéaire (celui actuellement en vigueur est à intérêt composé) implique des écritures comptables de plus de 250 M$, ce qui évidemment a un impact à la hausse sur les tarifs des usagers.

Il nous a semblé évident dès le point de départ que l’objectif poursuivi par Hydro-Québec de proposer l’application de ces normes et d’en devancer l’entrée en vigueur était purement opportuniste. En effet, si on reporte l’application de ces normes à la date prévue du 1er janvier 2011, les usagers auraient droit à une diminution tarifaire au lieu de l’augmentation de 0,2 % applicable au 1er avril 2010, telle que sollicitée par HQ Distribution.

Qui plus est, rien n’oblige la Régie en vertu de sa loi constitutive à appliquer ce changement de méthode. Ce changement de méthode n’est obligatoire que pour la production des états financiers à vocation générale d’Hydro-Québec. D’ailleurs, Hydro-Québec établit les coûts relatifs à une double tenue de livre dans une fourchette de 8 à 10 M$ par année, coûts incidemment qui devraient être à la charge d’Hydro-Québec et non pas des usagers.

Le tableau suivant, titré HAUSSE TARIFAIRE PRÉVUE, illustre les hausses qui auraient cours selon chacun des scénario, soit un changement de méthode appliqué au 1er janvier 2010, tel que proposé par Hydro-Québec, ou encore l’application du changement de méthode à la date prévue pour l’entrée en vigueur des IFRS, et enfin le maintien de la méthode actuelle (statu quo) qui est conforme aux principes règlementaires établis.





En terminant sur ce point, nous aimerions souligner qu’Hydro-Québec n’a pas été en mesure de démontrer quelque avantage que ce soit pour les usagers de ce changement de méthode malgré plusieurs demandes qui lui ont été adressées par les intervenants au dossier et la Régie de l’énergie. Hydro-Québec a plutôt argué à répétition qu’elle doit changer de méthode au seul motif de satisfaire aux IFRS.


Nouvelles règles relatives au remboursement des frais

Un nouveau guide de paiement des frais encourus par les intervenants pour participer aux dossiers devant la Régie est entré en vigueur récemment. Déjà, certains intervenants se sont prévalus de la disposition en vertu de laquelle l’interruption d’une intervention en cours de route n’est pas pénalisante. En effet, selon les anciennes règles, pour avoir droit à un remboursement, un intervenant devait démontrer que sa participation avait été utile aux délibérations de la Régie. Cette règle forçait donc l’intervenant à déposer une preuve, participer aux délibérations, témoigner et être sujet aux contre-interrogatoires sur sa preuve, et ce, même si la position qu’il défend était similaire à celle de l’appliquant.

Désormais, il sera possible de se retirer du dossier avant le début des audiences et de soumettre les frais encourus pour l’étude du dossier, sous réserve cependant, que l’intervenant ne peut pas soumettre d’éléments de preuve au dossier. Cette nouvelle règle devrait donc donner lieu non seulement à un allègement des procédures devant la Régie, mais aussi à une réduction du coût de la réglementation.





À lire bientôt


 
Dans le prochain Énergique, vous pourrez lire une analyse de Pierre-Olivier Pineau, professeur agrégé à l’école des HEC de Montréal et chroniqueur dans certains médias. L’expertise de M. Pineau est reconnue dans le domaine des politiques énergétiques. Il effectue à l’heure actuelle des recherches notamment sur :

-   Impact environnemental des échanges d'électricité
     
-   Modélisation des marchés de l'électricité: investissement stratégique
et production
     
-   Mécanismes d'augmentation volontaire des prix de l'électricité

Il nous fera part de sa réflexion concernant une éventuelle reconnaissance par le gouvernement américain de l’hydro-électricité comme énergie verte et les impacts que cela aurait sur les marchés et sur Hydro-Québec.
 
 

 
  L’ÉNERGIQUE est le bulletin d’information de l’AQCIE. Il est publié quatre fois par année à l’intention des membres et partenaires de l’Association. Toute reproduction est autorisée à condition d’en mentionner la source et de nous en informer au dg@aqcie.org