SEPTEMBRE 2007  
VOLUME 1 | NUMERO 3  
 
 

L’avenir nous a donné raison

Par Serge Bergeron
Président du Conseil de l’AQCIE et
Directeur, Développement stratégique des opérations, QIT Fer et Titane

Comme vous pourrez le lire dans l’article sur les surplus, Hydro-Québec Distribution n’a pas pu réaliser les revenus anticipés par la Régie avec la vente récente de ses quantités excédentaires. Ceux-ci se sont plutôt situés dans la fourchette entre 5 ¢/kWh et 6 ¢/kWh, comme elle l’avait allégué dans sa preuve devant la Régie et conformément à ce que nous, de l’AQCIE, disons à partir de l’observation attentive que nous faisons des marchés depuis plusieurs mois. Bref notre conclusion à l’effet que plus on exporte, moins c’est payant s’est vue confirmée dans la réalité. Cela prouve également qu’il n’est pas nécessaire d’exporter des quantités faramineuses d’électricité pour que cela ait une influence à la baisse sur les prix dans les marchés déréglementés de la Nouvelle Angleterre et de l’Ontario. Ainsi, Hydro a réalisé des revenus de 1,25 M$ au lieu des 14 M$ que prévoyait la Régie, c’est 11 fois moins. Un gros pensez-y bien pour tous ceux qui préconisent que l’on exporte massivement notre électricité pour payer la dette du Québec!

Afin de compléter le bagage d’études produites par l’AQCIE pour documenter la situation des prix d’électricité sur les marchés d’exportation, nous avons obtenu, grâce à une recherche du centre Hélios, une modélisation du marché du gros de l’électricité dans le Nord-Est américain. Celle-ci révèle que la fourchette de revenus que pourrait faire Hydro-Québec sur ce marché nette des frais de transport et de courtage se situera entre 5 ¢/kWh et 6 ¢/kWh d’ici 2021, soit bien en deçà donc des 8,9 ¢/kWh sur lesquels Jean-Thomas Bernard de l’Université Laval et Marcel Boyer de l’Institut économique de Montréal se basent pour promouvoir l’exportation massive d’électricité pour assurer la prospérité du Québec.

Le message de l’AQCIE porte de plus en plus

Au début du mois de septembre, nous avons rencontré, avec les membres de notre comité exécutif, le chef de l’Action démocratique du Québec (ADQ), M. Mario Dumont, pour le sensibiliser à notre position concernant la nécessité de maintenir un équilibre entre la transformation de l’électricité au Québec par les grandes entreprises consommatrices, les échanges et l’exportation des surplus. Il était accompagné de sa conseillère économique, Mme Diane Bellemare. En raison du rôle d’Opposition officielle joué par l’ADQ à l’Assemblée nationale, il était primordial d’établir un premier contact officiel avec le chef de ce parti et de lui faire connaître les risques de se lancer tout azimuts dans l’exportation de grandes quantités d’électricité au détriment du développement économique local et régional. Les conclusions de la récente étude de la firme d’étude économique, E&B Data, qui indiquent que la valeur des retombées économiques se chiffre à quelque 14 ¢/kWh lui ont aussi été présentées.

De plus, Luc Boulanger et Carl Yank, membre de l’exécutif et dirigeant de ERCO Mondial, ont fait le 6 juillet dernier une présentation concernant la valeur des exportations, le fonctionnement des marchés et l’impact des retombées économiques liées aux grandes entreprises en région aux fonctionnaires des ministères des ressources naturelles et du développement économique, membres du Groupe de travail sur les coûts de l’électricité. Là encore, nous avons marqué des points et mieux fait comprendre la réalité des marchés et les conséquences que peuvent avoir des décisions d’exportation à outrance d’électricité.



Exportation massive d’électricité : Où sont donc les études de marché?

Par Luc Boulanger
Directeur exécutif, AQCIE

Quand on sait que la moindre PME, qui souhaite obtenir un prêt d’une institution financière ou pire encore une aide du gouvernement, se voit exiger un plan d’affaires rigoureux et détaillé, comprenant une foule de renseignements sur son projet et surtout une solide étude de marché prouvant que les investissements qu’elle fera seront rentabilisés, il est étonnant de constater qu’avant de se lancer dans ce qui serait une opération d’exportation sans précédent de notre hydro-électricité, personne au gouvernement ne semble avoir songé à commander une étude sur les prix de vente à long terme.

L’AQCIE a demandé au centre Hélios, un organisme de recherche à but non lucratif, offrant une expertise indépendante en énergie et en changements climatiques, de faire une recherche des données disponibles concernant les prix d’électricité qui se paieront aux États-Unis à moyen et long terme. Il nous a fourni une modélisation du marché de l’électricité du Nord-Est américain nous permettant d’anticiper les revenus de la vente d’électricité sur ce marché. Le résultat devrait porter nos dirigeants politiques à la réflexion ou à tout le moins les inciter à commander d’autres études prospectives avant d’aller de l’avant avec les projets d’exportation massive d’électricité. En effet, selon les conclusions de l’étude, la fourchette de prix se situera entre 6 ¢/kWh et 7 ¢/kWh d’ici 2021, bien loin des hypothèses enthousiastes qui placent le prix autour des 9 ¢/kWh. De plus, si on compare ce prix aux 14 ¢/kWh que représentent les retombées économiques en région, générées par les grandes entreprises consommatrices, il semble que la conclusion s’impose d’elle-même.

En résumé, oui à l’exportation de nos surplus, mais comme l’un des éléments de notre portefeuilles énergétique et non le seul. Car, notre succès passe par un équilibre entre la transformation sur place par les entreprises grandes consommatrices, les échanges d’électricité et l’exportation des surplus.

Le tableau ci-bas présente les données modélisées pour l’État du Massachusetts, mais en raison de la fluidité des prix sur ces marchés, la situation serait la même dans les autres états.



Quand la réalité du marché rattrape les théories des économistes… Ou la petite histoire récente des surplus d’Hydro

Par Luc Boulanger
Directeur exécutif, AQCIE

Au cours des dernières années, et plus particulièrement suite à l’annonce de projets d’investissements des alumineries au Québec, certains économistes se sont questionnés concernant la façon la plus rentable pour le Québec d’écouler sa production d’électricité : transformer localement ou exporter sur les marchés limitrophes.

La théorie

Dans cette foulée, on se souviendra notamment de l’étude de Jean Thomas Bernard, de la chaire en économique de l’énergie électrique de l’Université Laval, qui concluait que chaque emploi créé avec les investissements de 2,1 milliards $ du projet d’Alcan était subventionné à hauteur de 250 000 $, ce qu’il estimait complètement abusif. Partageant cette logique, Marcel Boyer, vice-président et économiste en chef de l’Institut économique de Montréal, a véhiculé un discours semblable à de nombreuses tribunes.

Évidemment, plusieurs facteurs entrent en ligne de compte dans l’élaboration du modèle menant à cette conclusion extrême, parmi lesquels on retrouve le prix que pourraient rapporter les ventes d’électricité à l’exportation. Pour les fins du présent article, nous nous limiterons strictement à cette question, laissant de côté pour l’instant l’autre volet tout aussi important des retombées économiques chiffrables des activités de transformation qui s’opèrent au Québec.

Ainsi, en se basant sur les données déposées à l’Office national de l’énergie, Jean Thomas Bernard estimait qu’il était possible de vendre tout le bloc d’énergie consenti à Alcan sur les marchés de l’exportation et en retirer facilement 8,9 ¢/kWh, et ce pour 567 MW, soit l’équivalent en énergie de 4,4 TWh selon un facteur d’utilisation de 90 %.

Dès ce moment, l’AQCIE avait émis l’hypothèse qu’il était fort peu probable que de telles quantités d’énergie à pareil prix puissent être exportées. Car, selon notre expérience des marchés, à mesure que les quantités d’énergie exportées augmentent, le prix moyen obtenu baisse. En outre, étant donné le grand volume d’électricité à écouler, cela doit se faire dans les périodes où les prix sont moins attrayants et même si cela se fait durant les périodes «payantes», cette arrivée additionnelle d’électricité a pour effet de faire chuter les prix. Il n’y a donc pas moyen de matérialiser les gains théoriques estimés par le professeur Bernard.

La réalité

Le printemps dernier, Hydro-Québec Distribution s’est trouvé en situation de gérer des quantités d’électricité excédentaires et a demandé à la Régie la permission de surseoir, sans frais, à ses engagements envers le producteur pour 5,9 TWh d’électricité. Dans sa preuve devant la Régie, le distributeur alléguait justement que de telles quantités d’énergie à écouler sur les marchés auraient pour effet de faire baisser les prix et soutenait ne pas pouvoir obtenir plus de 5¢ à 6¢ par kWh.

La Régie n’a pas retenu les arguments du distributeur, a rejeté entre autres les contrats à terme (les “futures”) qu’il a déposés au soutien de ses allégations et a au contraire estimé, après examen de la preuve, qu’il était très probable que le distributeur puisse plutôt réaliser des revenus dans une fourchette de 34 à 39 M $ en écoulant ses surplus sur les marchés de l’exportation. Ainsi, la Régie a rejeté la proposition du distributeur l’enjoignant plutôt à revendre sur les marchés de l’exportation ces quantités excédentaires.

La réalité, quelques mois plus tard, indique que l’écoulement d’une partie de ces surplus sur les marchés de l’exportation n’a permis de réaliser des revenus que de 1,25 M $, soit en moyenne 5,9 ¢/kWh, alors que si le scénario envisagé par la Régie s’était matérialisé, c’est 14 M $ de revenus qui auraient été réalisés. Les faits nous donnent raison. Plus on exporte, moins c’est payant.

Si on pousse l’exemple un peu plus loin et qu’on l’applique au modèle du professeur Bernard, ce n’est pas 119 M$ que le distributeur aurait retiré sur les marchés en écoulant l’équivalent de l’électricité vendue à Alcan, mais bien 39 M $, ce qui rend beaucoup moins alléchante sa proposition en faveur d’une exportation massive d’électricité.


Quoi de neuf à la Régie?

L’AQCIE est intervenue pour appuyer TransÉnergie devant la Régie de l’énergie dans sa requête visant l’obtention du statut de coordonnateur de fiabilité pour le Québec. Ce statut a vu le jour suite à des modifications législatives introduites aussi bien aux États-Unis, au Canada et au Québec, afin d’éviter que la situation entourant le «black-out» de 2003 ne se reproduise. Au Québec, c’est la Régie qui s’est vue confier le mandat de nommer un tel coordonnateur. Il s’agit essentiellement de passer d’un régime volontaire à un régime obligatoire en regard du respect des normes sur les réseaux de transport, régime assorti de pénalités pour les défaillances.

Bien que la compétence de TransÉnergie pour effectuer ce rôle n’ait pas été mise en doute par les intervenants au dossier, les préoccupations exprimées concernaient la nécessité d’assurer une complète indépendance du coordonnateur de la fiabilité. Pour atteindre cet objectif, plusieurs scénario ont été présentés allant de la séparation fonctionnelle de cette activité jusqu’à la nomination d’un tiers pour effectuer ces fonctions.

L’AQCIE s’est opposée à toute forme de structure administrative, qui se serait ajouté à celles qui existent présentement dans le but d’assurer une continuité opérationnelle, puisqu’une centaine de nos usines sont directement raccordées au réseau de transport. Qui plus est, l’AQCIE désire éviter que les industriels se voient imposer des coûts additionnels pour effectuer une fonction que TransÉnergie exécute déjà de façon adéquate et qu’elle devra continuer d’exécuter dans l’avenir, même si un tiers se voit confier ce rôle de coordonnateur. D’autant plus que TransÉnergie a pris l’engagement d’assurer cette fonction sans impact sur les tarifs.

L’AQCIE était aussi d’avis qu’il n’y avait pas lieu d’ajouter une autre structure administrative tenant compte des particularités du marché québécois où il n’y a pas de bourse d’énergie et très peu d’utilisateurs du service point à point. L’AQCIE a ainsi recommandé à la Régie qu’un code d’éthique spécifique soit élaboré pour assurer l’indépendance. Nous avons eu gain de cause.

Hydro-Québec est aussi devant la Régie de l’énergie pour l’établissement de ses tarifs de transport et de distribution. Il n’y aura pas d’audiences sur les questions du taux de rendement des deux unités. Cependant, Gaz Métropolitain est actuellement en audience sur cette question et une fois que la Régie aura statué dans leur cas, nous serons en mesure de mieux évaluer les actions à entreprendre. En effet, nous avons réclamé une cause générique commune au transporteur et au distributeur sur ces questions depuis fort longtemps.

TransÉnergie ne réclame pas de hausse de tarifs pour le 1er janvier 2008. Cependant, nous entendons examiner l’intégration des activités de télécommunications aux activités réglementées et faire un examen du coût de service comme à chaque année.

Le distributeur, quant à lui, propose une hausse uniforme de ses tarifs applicables au 1er avril 2008 de 2,9 %. Nous sommes préoccupés par cette demande, compte tenu que dans le dernier dossier tarifaire, la Régie avait accepté le principe de hausses différenciées par catégorie tarifaire.


Revue de presse

Parmi les nombreux articles et entrevues sur des sujets concernant l’électricité ou sur lesquels l’AQCIE a été interpellée, nous vous invitons à prendre connaissance d’une entrevue en marge de l’affaire du courtier américain qui a déposé  une plainte contre Hydro-Québec devant la commission américaine de l’énergie accusant la société d’État d’avoir manipulé les cours de l’énergie pour nuire à ses concurrents, affaire qui a été commentée par Luc Boulanger au canal Argent en juin dernier.
http://argent.canoe.com/infos/quebec/archives/2007/06/20070614-063136.html


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  L’ÉNERGIQUE est le bulletin d’information de l’AQCIE. Il est publié quatre fois par année à l’intention des membres et partenaires de l’Association. Toute reproduction est autorisée à condition d’en mentionner la source et de nous en informer au dg@aqcie.org