MARS 2013  
VOLUME 7 | NUMERO 1  
 

 
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ANALYSE DES MARCHÉS D’EXPORTATION :
légère hausse sur NYISO et départ canon sur ISO-NE

Par Olivier Charest

Analyste pour l’AQCIE et le CIFQ


Le prix du gaz naturel – qui a entraîné avec lui le prix de l’électricité – semble avoir atteint un plancher en 2012. Le retour aux prix élevés n’est évidemment pas pour tout de suite, mais nous devrions tout de même voir une légère progression du prix de l’électricité en 2013, en comparaison de 2012, surtout du côté de la Nouvelle-Angleterre où l’année a commencé en lion.

Le prix day-ahead (DAM) de l’électricité à l’interconnexion entre le Québec et New-York (NYISO Zone M) a atteint un creux en 2012 à près de 30 $US/MWh (équivalant à 3,0 ¢US/kWh), en moyenne; c’est moins que les 34 $US/MWh de 2009 qui marquaient déjà un creux. À titre comparatif, ce prix était de 60 $US/MWh pour les années 2004 à 2008, puis de 40 $US/MWh pour 2010-2011.

figure 1

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Le prix de l’électricité suit en gros celui du gaz naturel, entraîné à la baisse au cours des dernières années par l’abondance des gaz de schiste. Cet effet a été particulièrement fort au printemps 2012 : en avril 2012, le prix au comptant (spot) du gaz naturel à Henry Hub tombait sous les 2 $US/MMBtu, alors que le prix DAM de l’électricité à la Zone M de NYISO avoisinait les 23 $US/MWh. Depuis, le prix du gaz naturel est remonté jusqu’à 3,50 $US/MMBtu, pour se stabiliser à 3,30 $US/MMBtu, alors que celui de l’électricité se rapproche des 35-40 $US/MWh.

figure 2

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Bien qu’il puisse y avoir des fluctuations saisonnières, on devrait généralement s’attendre à des prix similaires pour les trois prochaines années : l’Energy Information Agency (EIA) des États-Unis prévoit que le prix du gaz naturel au pôle Henry Hub oscillera autour de 3,30 $US/MMBtu1 jusqu’en 2015, en hausse par rapport à 2,75 $US/MMBtu en 2012.

Le malheur des uns fait le bonheur des autres

Si les prix du gaz naturel en Amérique du Nord évoluent généralement de la même manière qu’à Henry Hub, des différences marquées peuvent apparaître dans certaines régions. Ainsi, l’hiver rigoureux qu’a connu le nord-est du continent combiné à une capacité de transport insuffisante a créé une situation de pénurie de gaz naturel en Nouvelle-Angleterre. Cette situation a durement touché les exploitants de centrales au gaz naturel qui ne détiennent généralement pas de droits de livraisons garanties (fermes) sur les réseaux de transport de gaz couvrant l’ensemble de leur besoins.2,3

Ceux qui avaient accès à du gaz sur place le vendaient très cher : le 24 janvier dernier, le prix au comptant du gaz naturel à Algonquin Citygate, un pôle (hub) local, aurait dépassé 31 $/MMBtu,4 soit près de neuf fois le prix au comptant à Henry Hub ce jour-là (3,56 $/MMBtu).5

Cette hausse locale du prix du gaz naturel a entraîné celui de l’électricité, au bonheur des exportateurs québécois d’électricité. En effet, le prix moyen DAM à l’interconnexion Phase I/II reliant les réseaux d’Hydro-Québec et ISO-NE dépasse les 100 $US/MWh pour les deux premiers mois de 2013, alors que le prix moyen pour la même période en 2012 s’établissait plutôt à 35 $US/MWh. Sans vouloir suggérer que de pareilles pointes puissent justifier le projet Northern Pass, dont nous avons traité dans notre dernière chronique, il est fort à parier que les consommateurs d’électricité de la Nouvelle-Angleterre auraient été heureux de pouvoir compter sur une interconnexion additionnelle cet hiver.

figure 3

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Il sera intéressant de voir l’impact de cet épisode sur les revenus d’exportation d’Hydro-Québec lors du premier trimestre de 2013. En fonction des données disponibles sur le site d’ISO-NE, nous savons que l’interconnexion Phase I/II a été utilisée pour réaliser des exportations nettes du Québec vers la Nouvelle-Angleterre de près de 1,9 TWh, lesquelles pourraient rapporter jusqu’à 190 M$US si les exportations nettes ont été rémunérées au prix DAM moyen sur cette interconnexion.

Des revenus d’exportation inattendus en remplacement de la « mesure transitoire » ?

Dans la mesure où Hydro-Québec a réussi à tirer profit de cette manne, elle pourrait avoir engrangé jusqu’à 100 M$US de bénéfices nets supplémentaires - et peut-être même davantage - en comparaison de ce qu’elle aurait réalisé sous des conditions normales. Ces revenus « extraordinaires » pourraient ainsi éponger une partie du manque à gagner allégué par le gouvernement dans son Budget pour justifier la « mesure transitoire » prévue au projet de loi 25, en lieu et place des sommes que la Régie lui a refusées dans sa récente décision sur les tarifs d’Hydro-Québec Distribution (HQD).6

En effet, puisque la Loi 25 n’avait pas été promulguée au moment où la Régie de l’énergie a rendu sa décision D-2013-37, cette dernière a décidé à juste titre qu’elle pouvait déterminer elle-même le niveau des charges d’exploitation d’HQD aux fins des tarifs d’électricité de 2013-14. Les revenus attendus d’Hydro-Québec en 2013 se trouvent donc amputés, en comparaison du montant des charges d’exploitation prévues par l’application de la mesure transitoire et de la Loi 25, d’environ 62,5 M $ – une somme que les gains extraordinaires présumément réalisés à l’exportation au premier trimestre pourraient potentiellement compenser, afin d’aider le gouvernement à boucler malgré tout son budget 2013-14.

Quant aux gains que le gouvernement comptait réaliser en 2013 au-delà de ces 62,5 M$ par les coupures de postes annoncées chez Hydro-Québec dans ce même budget, la Loi 25 ne lui est d’aucune utilité puisque la réglementation actuelle permet déjà à Hydro-Québec de les conserver : les économies qu’HQD réalise en réduction des charges d’exploitation prévues dans ses tarifs d’une année donnée viennent gonfler son bénéfice net.

Dans cette optique, il n’est donc plus nécessaire d’avoir recours à la mesure transitoire en 2013 pour atteindre les objectifs du gouvernement. Il est à espérer que le gouvernement se sentira satisfait de cette situation et qu’il évitera de mettre à mal la réglementation de l’électricité par le retrait de prérogatives de la Régie.

Notes

1. Annual Energy Outlook 2013 – Early Release, EIA.

2. Voir notamment In New England, a Natural Gas Trap, article publié le 15 février 2013 dans le New York Times

3. Dans certains cas, ces exploitants sont même « captifs » des réseaux de distribution, lesquels pourront réduire leur approvisionnement en cas de pénurie, comme ils le font avec leurs autres clients industriels dans de telles situations.

4. http://blogs.constellation.com/energy4business/2013/01/25/northeast-gas-market-experiences-price-spikes-due-to-pipeline-constraints/

5. Source : EIA

6. Voir le message du DG du présent bulletin.

Notes

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