SEPTEMBRE 2013  
VOLUME 7 | NUMERO 3  
 

 
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Hydro-Québec :
des revenus d’exportation au rendez-vous


Par Olivier Charest

Analyste pour l’AQCIE et le CIFQ


Dans son plan budgétaire 2013-14, déposé en novembre 2012, le gouvernement québécois indiquait qu’il comptait sur un bénéfice net de 2 725 M$ pour Hydro-Québec mais que, en raison des faibles prix sur les marchés, la société d’État ne prévoyait réaliser qu’un bénéfice net de 2 500 M$. Ce « manque à gagner » de 225 M$ incitait le gouvernement à imposer une « mesure transitoire » par laquelle il entendait mettre la main pendant quelques années sur les gains d’efficience des divisions réglementées d’Hydro-Québec (Hydro-Québec Distribution, HQD, et TransÉnergie, HQT).

Contraire aux principes de tarification, cette proposition a été dénoncée par la Régie et par les groupes intervenants devant elle, dont l’AQCIE. Cela n’a pas empêché le gouvernement de modifier la Loi sur la Régie de l’énergie afin de pouvoir appliquer par décret la mesure transitoire, ce qu’il n’a pas encore fait. Cette épée de Damoclès demeure donc suspendue au-dessus de la tête des consommateurs d’électricité, pouvant entraîner une augmentation tarifaire de 1,5 %, voire plus, qui s’ajouterait à celle déjà démesurée de 5 % qu’Hydro-Québec voudrait imposer aux grands industriels.

Il est rassurant de constater, à la lecture du deuxième rapport trimestriel d’Hydro-Québec pour 2013, que son résultat semestriel net de 1 824 M$ est en hausse de 102 M$ par rapport à celui de la même période en 2012 (1 722 M$). De plus, puisque les résultats de 2013 ne seront pas réduits, comme ceux de l’an dernier, par une charge de près de 2 milliards $ pour les activités abandonnées (principalement la fermeture de Gentilly-2), Hydro-Québec semble donc en bonne voie d’atteindre la cible de 2 725 M$ fixée au budget provincial 2013-14, sans qu’il ne soit nécessaire d’avoir recours à la mesure transitoire.1 Voyons comment ces chiffres se transposent sur les marchés.

Suivi des marchés2

À l’interconnexion entre le Québec et l’État de New-York (NYISO zone M), souvent considéré comme marché de référence pour le Québec, le prix moyen day-ahead (DAM) a été, pour les mois de janvier à août, plus élevé en 2013 (37 $US/MWh) qu’en 2012 (28 $US/MWh) tout en demeurant nettement inférieur au prix moyen des années 2004-2008 (60 $/MWh).

Graphique 2

Pour les cinq premiers mois de 2013, ce prix suit assez bien le prix moyen des années 2010-2011, lequel dépasse largement le prix moyen de 2012. Cette tendance s’effrite toutefois à partir du mois de juin, alors que l’on replonge vers les bas prix de 2012, le prix tombant même à 31 $US/MWh au mois d’août 2013. Pourtant, pour les mois de juin à août 2013, le prix du gaz naturel proposé à Henry Hub, généralement un déterminant important du prix de l’électricité, dépassait de façon notable celui de la même période en 2012.

Outre la possibilité d’une demande plus basse à l’été 2013 qu’à l’été 2012, l’augmentation du volume des exportations québécoises pourrait aussi être en cause. En effet, l’interconnexion HQT-NYISO a été utilisée près de sa capacité maximale cet été. Pour les mois de juin à août 2013, il y a transité en moyenne près de 1 300 MW, sur une capacité maximale de 1 500 MW. À titre comparatif, pour les mêmes mois en 2012, le flux moyen enregistré avoisinait les 1 200 MW.

L’utilisation accrue de cette interconnexion implique qu’une plus grande quantité d’électricité québécoise a été vendue sur ce marché, y faisant diminuer le prix moyen. En exportant davantage, HQ « déplace » les vendeurs qui auraient autrement établi le prix du marché à un niveau plus élevé. C’est essentiellement le jeu des lois de l’offre et de la demande.

Incidemment, pour les sept premiers mois de l’année, les flux moyens enregistrés sur cette interconnexion et sur la principale interconnexion vers la Nouvelle-Angleterre (interconnexion P1/P2 vers ISO-NE) ont tous deux été légèrement supérieurs, en 2013, à leur niveau de 2012. Or, à 35,2 TWh, les exportations de l’ensemble de l’année 2012 atteignaient déjà un sommet sur une période de 10 ans. Hydro-Québec est donc en voie d’établir un nouveau sommet cette année, ce qui n’est pas sans surprendre puisque d’importants surplus d’HQD retournent à Hydro-Québec Production (HQP) sous forme d’électricité patrimoniale inutilisée, accroissant ainsi la marge de manœuvre de cette dernière.

Enfin, si l’on se fie au prix des contrats à terme (futures) rapportés au début du mois de septembre pour le reste de 2013, on devrait s’attendre à un retour vers des prix un peu plus élevés (35-40 $/MWh) pour les derniers mois de 2013.

Du côté de la Nouvelle-Angleterre, à l’exception des mois de janvier et février 2013 qui ont connu une pointe dont nous avons déjà traité3, on constate une évolution similaire à celle de NYISO au cours des derniers mois, avec un prix moyen généralement un peu plus élevé. Ainsi, en excluant janvier et février, le prix moyen à ce jour en 2013, à 42 $US/MWh, dépasse de 11 $US celui de 2012.

Graph 3

Retour sur l’hiver 2012-13 : envolée des prix sur ISO-NE4

L’envolée des prix de janvier et février apparaît clairement au graphique qui précède. Sur la base de ces données, nous avions conclu, en mars dernier, que les exportations nettes du Québec vers la Nouvelle-Angleterre au cours des mois de janvier et février 2013, de près de 1,9 TWh, auraient pu rapporter jusqu’à 190 M$US, à condition que cette énergie ait été vendue au prix DAM. De ces ventes auraient découlé des bénéfices additionnels pour Hydro-Québec de 100 M$, voire plus.

Depuis, l’Office national de l’énergie a publié ses statistiques sur l’exportation d’électricité pour les mois de janvier et février 2013. En fonction de ces données, il semblerait qu’Hydro-Québec n’ait profité que de manière limitée de cette envolée des prix. En effet, elle n’aurait bénéficié que sur 0,4 TWh de ces forts prix, évalués à près de 100 $/MWh en moyenne. Quant au reste de ses exportations vers les États-Unis lors de ces deux mois, soit environ 4 TWh, HQ aurait obtenu un prix beaucoup plus bas, soit d’environ 35 $/MWh en moyenne.

Pour expliquer un tel écart, au-delà du fait que ce 35 $/MWh tienne compte des prix obtenus sur différents marchés, on pourrait penser que ces exportations à bas prix découlent de contrats à terme : plutôt que d’attendre à la dernière minute pour obtenir son prix, HQ l’aurait fixé longtemps d’avance, sans doute à un moment où l’on ne pouvait prévoir que les prix sur les marchés de court terme allaient bondir en raison d’une pénurie de gaz naturel en Nouvelle-Angleterre. Si dans ce cas précis et en rétrospective, de tels contrats à terme se sont avérés désavantageux, ils permettent en revanche de protéger Hydro-Québec des risques associés aux fluctuations de prix sur les marchés.

Par ailleurs, l’expérience des sommets atteints à l’hiver 2012-2013 – alors que les contraintes sur les réseaux de transport de gaz ont entraîné des prix dépassant 100 $/MWh bien que le prix moyen se soit davantage situé d’ordinaire à 40$/MWh – pourrait influencer le prix des contrats à terme de l’hiver 2013-2014. Les producteurs comme Hydro-Québec pourraient alors profiter un peu de telles hausses tout en se protégeant du risque de fluctuation des prix, ce qui demeure l’objectif premier de ces contrats.

Il reste à espérer, pour l’ensemble des clients d’Hydro-Québec, que ces prix soient suffisants pour faire renoncer le gouvernement à sa mesure transitoire. fin

Notes

MISE EN GARDE : Ce document s’appuie sur des informations publiques, obtenues de sources jugées fiables. Son auteur ne garantit d’aucune manière que ces informations soient exactes ou complètes. Ce document est communiqué à titre informatif seulement et ne doit pas être interprété comme une recommandation relative à l’achat ou à la vente d’électricité ou de gaz naturel ou de quelque autre produit que ce soit, qu’il soit réel, financier ou autrement. En aucun cas, il ne peut être considéré comme un engagement et ni son auteur, ni L’Énergique, ne sont responsables des conséquences d’une quelconque décision prise à partir des renseignements contenus dans le présent document.

Notes

1. Dans Le déficit zéro en péril, Denis Lessard rapportait le 4 septembre dans La Presse qu’Hydro-Québec remplirait ses engagements auprès du gouvernement cette année. Incidemment, nous ne considérons pas qu’un moins bon résultat financier aurait justifié le recours à la « mesure provisoire », nous constatons simplement que la justification évoquée par le gouvernement pourrait ne plus exister, si la tendance se maintient.

2. Les données utilisées dans cette section proviennent principalement des sites internet de NYISO, ISO-NE et de l’Energy Information Agency

3. Voir ANALYSE DES MARCHÉS D’EXPORTATION : légère hausse sur NYISO et départ canon sur ISO-NE

4. Les données utilisées dans cette section proviennent principalement des sites internet de NYISO, ISO-NE et de l’Energy Information Agency

Notes

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