Mars 2010  
VOLUME 4 | NUMERO 1  
 
Carl Yank Mot du président

L’impératif de la compétitivité des tarifs d’électricité, un message plus pertinent que jamais

Par Carl Yank

Président du Conseil de l’AQCIE et
Directeur général, ERCO Mondial


Avec l’importance de ses ressources hydroélectriques, on s’attendrait à ce que la question de l’électricité au Québec ne soit pas une source d’inquiétude... et pourtant !

Au moment où je quitte mon poste de président de l’AQCIE, après un mandat de deux ans, plusieurs de nos collègues consommateurs industriels d’électricité retiennent leur souffle dans l’attente des décisions que le gouvernement du Québec prendra dans son prochain budget.

Si le ministre des Finances Raymond Bachand s’est montré réceptif lors de sa rencontre prébudgétaire avec l’Association, le 27 janvier, l’inquiétude ne demeure pas moins présente. D’une part, la situation économique du Québec exige un redressement tel qu’on ne peut pas exclure l’adoption de certaines mesures à courte vue. D’autre part, l’électricité étant aussi appelée à jouer un rôle sociétal au Québec, cela multiplie les tensions qu’exercent des intérêts parfois inconciliables sur sa tarification. Les « surprises » sont toujours possibles et vous savez comme moi qu’elles n’ont pas leur place dans une question aussi vitale que la tarification de l’électricité, pour nos entreprises comme pour la prospérité du Québec.

Il faut cesser de fragiliser nos entreprises

Or cette incertitude vient s’ajouter à de nombreuses autres, associées à la crise que nous traversons et dont la sortie s’effectue par soubresauts qui n’ont rien de définitif. Les risques d’une replongée demeurent toujours présents. Cette crise financière aura précipité des changements structurels à l’échelle planétaire, tant sous les volets de la production que de la consommation. Dans ce contexte, l’érosion de la compétitivité des tarifs de l’hydroélectricité québécoise a déjà fait un travail de sape et fragilisé certains secteurs et certaines entreprises.

En ajoutant à l’équation la force du dollar canadien, pour plusieurs de nos sociétés membres le succès se résume au simple maintien de leurs exploitations au Québec, tandis que les investissements structurants, visant l’accroissement de la capacité et l’amélioration de la productivité, vont à nos usines sœurs, ou à nos concurrents, installés dans des régions où le prix de l’électricité est plus avantageux qu’au Québec.

Ce constat est bien documenté dans la récente étude d’E&B DATA sur les usines québécoises. Nous en sommes à un point où les décisions du gouvernement du Québec dans son budget 2010, et surtout le prix qui en résultera pour l’électricité, décideront de l’avenir de plusieurs de nos exploitations et des retombées économiques qu’elles apportent à la société québécoise.

L’avenir doit demeurer prometteur

Je me souviens de l’enthousiasme qui m’habitait dans les premières années de ma carrière d’ingénieur, profession que j’exerce depuis plus de 33 ans. Les années 1980 étaient marquées par des défis de croissance. Le gouvernement associait alors, comme par le passé, ses grands projets hydroélectriques au développement industriel, créant et dynamisant des secteurs d’activité riches d’avenir pour le Québec. Avec un coût très compétitif de l’électricité, une base manufacturière s’est développée dans plusieurs domaines, tels que l’aluminium, la chimie et la transformation des métaux, tous des secteurs où l’électricité représente une partie importante des coûts de fabrication.

Aujourd’hui, on parle beaucoup d’exporter l’électricité, une avenue qui a ses mérites mais également ses limites, sur le plan physique comme sur le plan économique, car l’augmentation de l’offre a toujours un effet sur le prix dans un marché limité. Et surtout, il ne faudrait pas exporter les emplois associés à l’électricité !

L’AQCIE croit qu’il existe un point d’équilibre, où la compétitivité et la prévisibilité des tarifs permettent aux consommateurs industriels d’électricité de transformer cette ressource en une vaste gamme de produits exportés dans le monde, une activité qui dynamise et enrichit les régions et le Québec tout entier. La richesse optimale sera créée ici, si l’électricité demeure l’un des avantages concurrentiels des consommateurs industriels bien établis au Québec.

Tel est le message que j’ai tenu à véhiculer, pendant les deux dernières années, auprès du gouvernement du Québec, d’Hydro-Québec et de la Régie de l’énergie. Et c’est le message, toujours aussi pertinent, toujours aussi essentiel, dont mon successeur se fera le porte-parole passionné.

Je tiens donc à lui souhaiter la meilleure des chances, et à vous remercier tous de la confiance et du soutien que vous m’avez témoignés.

Assemblée générale annuelle AQCIE

Centre Mont-Royal
2200, rue Mansfield, Montréal 
Salon 5, le 18 mars 2010, 8 h 00


Chers membres,

Le contexte de la crise financière et des mesures de retour à l’équilibre budgétaire du gouvernement du Québec exige que nous coordonnions nos efforts. Votre présence s’annonce donc essentielle à notre prochaine assemblée annuelle où nous traiterons notamment des enjeux tarifaires, des résultats du sondage E&B DATA et de notre stratégie d’affaires publiques. Au plaisir de vous y rencontrer !




Pierre-Olivier Pineau La reconnaissance de la grande hydroélectricité aux États-Unis :
le point sur la question


Pierre-Olivier Pineau
Professeur agrégé, HEC Montréal


Depuis quelques mois, différents paliers de gouvernements canadiens font la promotion aux États-Unis de l’hydroélectricité comme étant une énergie verte. Jean Charest a lui-même écrit dans le quotidien Le Devoir du 19 septembre 2009 qu’il fallait que le gouvernement américain « reconnaisse l’hydroélectricité, incluant la grande hydraulique, comme étant une source d’énergie renouvelable qui devrait être reconnue comme telle dans les lois fédérales aux États-Unis à des fins fiscales ». Personne ne conteste le fait qu’un mégawatt-heure d’hydroélectricité émet, sur son cycle de vie, une quantité de gaz à effet de serre de 10 à 100 fois inférieure à celle de l’électricité thermique (selon le type de centrale et le combustible utilisé dans la comparaison : gaz naturel ou charbon). Pourquoi y-a-t-il alors tant de discussions sur cette reconnaissance américaine de l’hydroélectricité ? Le cœur du débat réside dans des programmes de support aux énergies renouvelables très répandus aux États-Unis : les Renewable Energy Standards, ou RES (aussi appelés Renewable Portfolio Standards). Ces programmes obligent les distributeurs d’électricité à se procurer un certain pourcentage de leur électricité de « sources d’énergie renouvelable », ou à payer jusqu’à 50 $ de pénalité pour les MWh en deçà de ce pourcentage. Les RES offrent donc une garantie pour des producteurs d’énergie renouvelable, permettant de favoriser les investissements dans ces filières quand les conditions normales du marché ne le permettent pas. Ces sources doivent évidemment être définies quelque part… et c’est autour de cette définition que certains enjeux commerciaux se situent.

Définition de l’énergie renouvelable

Vingt-neuf États américains se sont déjà imposé des RES (la Californie en tête, avec 20 % d’énergie renouvelable dès 2010, voir le site www.dsireusa.org pour tous les détails). Les modalités exactes des RES diffèrent cependant d’un État à l’autre. D’une manière générale, par contre, les énergies éolienne, solaire, géothermique, hydrocinétique (marées et vagues), ainsi que celles issues de la biomasse et des biogaz, sont considérées renouvelables, tout comme l’énergie issue de certaines sources d’hydroélectricité (nommées Qualified Hydropower en anglais). Ces sources hydrauliques incluent les gains d’efficacité récents sur des barrages existants, les nouvelles centrales hydroélectriques sur des barrages existants et des centrales au fil de l’eau qui ne modifient pas le niveau d’eau naturel. Par contre, toutes les centrales hydroélectriques associées à de grands barrages sont exclues. Cette définition de l’hydroélectricité admissible, si elle est déjà inscrite dans la loi de la plupart des 29 États ayant déjà des RES, pourrait bientôt l’être dans la première loi fédérale sur le sujet : le projet de loi Waxman-Markey, dont le véritable nom est l’American Clean Energy and Security Act of 2009. Ce projet de loi, voté par la Chambre des représentants le 26 juin 2009, doit encore être voté par le Sénat (et signé par le président) pour devenir loi. Cette loi fédérale aurait une incidence plus grande que les initiatives des 29 États américains, parce qu’elle les couvrirait toutes. Comme le tableau ci-dessous le présente, les États-Unis devraient avoir au moins 20 % de leur consommation d’électricité fournie par des sources renouvelables d’ici 2020 selon ce projet de loi. Pour certains États, comme le Maine, New York ou le Vermont, ce serait moins que les objectifs qu’ils ont déjà mis en place à travers leur propre RES, mais pour d’autres, comme le New Hampshire et tous ceux qui n’ont pas de RES, ce 20 % d’énergie renouvelable représente une véritable contrainte supplémentaire.

Tableau 1

Impact sur les grands producteurs d’hydroélectricité

Les grands producteurs d’hydroélectricité, qui ont très souvent des coûts de production largement inférieurs aux autres producteurs d’électricité (nucléaire ou thermique), se voient donc dans l’impossibilité de vendre leur production au prix plus avantageux de l’électricité certifiée renouvelable. Un marché leur échappe donc, en plus de voir leur image de vendeur d’électricité « verte » égratignée par leur absence de la liste officielle des énergies renouvelables. Ce sont donc ces deux raisons, commerciales et d’image, qui expliquent le désir des producteurs d’hydroélectricité et des gouvernements canadiens d’obtenir une reconnaissance formelle. Ainsi, lors du Conseil de la fédération de Régina le 7 août 2009, les premiers ministres canadiens ont unanimement affirmé qu’ils continueraient à travailler pour faire comprendre que « l’hydroélectricité est une source d’énergie renouvelable et doit être reconnue comme telle dans l’American Clean Energy and Security Act, présentement devant le Congrès ».

Cependant, comme l’hydroélectricité jouit déjà d’un avantage concurrentiel (de par ses faibles coûts de production) et que les plafonds sur les émissions de gaz à effet de serre (GES), aussi contenus dans l’American Clean Energy and Security Act, vont renforcer cet avantage concurrentiel, l’hydroélectricité ne manquera pas de marchés lucratifs où être consommée. C’est en se basant sur ces deux arguments que le ministère des Ressources naturelles et de la Faune affirme que « la reconnaissance de la grande hydraulicité comme source d’énergie propre et renouvelable vise à avoir accès aux marchés sur une base concurrentielle avec les acteurs locaux, [et non] pas à obtenir des crédits fiscaux ou des avantages budgétaires des administrations américaines au chapitre des RES ». Notons cependant le décalage entre cette position, partagée par la porte-parole d’Hydro-Québec Marie-Élaine Deveault dans une entrevue au journal Les Affaires (9 janvier 2010), et les déclarations des premiers ministres canadiens qui cherchent une reconnaissance plus formelle. Les discours officiels des gouvernements et des administrations ne sont pas encore parfaitement accordés !

Légitimité et cohérence

Il est légitime pour les gouvernements américains de créer des programmes de soutien aux énergies renouvelables, comme les RES, qui excluent la grande hydraulique : celle-ci n’a en effet pas besoin d’aide particulière. Elle s’est développée sur la base de ses avantages intrinsèques, qui lui permettront de continuer à rendre de grands services à nos sociétés, contrairement aux énergies fossiles dont l’importance devra décroître dans un contexte de lutte aux changements climatiques. Les autres types d’énergies renouvelables, par contre, n’arrivent pas à être concurrentiels dans les conditions actuelles de marché. Un soutien peut donc leur être bénéfique, surtout si l’on veut favoriser la sécurité énergétique et le développement régional à travers des sources d’énergies locales. Le Québec a agi exactement de la sorte dans ses appels d’offres en énergie éolienne. Il serait donc très mal placé pour critiquer les RES américains.

Cette approche aux énergies renouvelables manque cependant de cohérence économique et écologique : ce n’est pas tant le manque d’énergie renouvelable qui est un problème que les émissions de GES. Ce sont donc directement celles-ci qu’il faudrait viser pour les réduire. Sous de réelles contraintes de réductions, les énergies renouvelables prendraient naturellement leur envol, en laissant les plus compétitives se développer le plus rapidement, sans avoir à fixer arbitrairement des pourcentages (tels qu’illustrés dans le tableau). De plus, l’approche des RES par État entre en conflit avec le libre échange, souhaitable d’un point de vue économique pour que les meilleures sources d’énergies renouvelables soient développées, et non pas celles respectant des frontières politiques artificielles. Avec les systèmes actuels des RES, des bureaucraties de permis sont mises en place et des sources locales qui ne sont pas forcément les moins chères sont aussi développées. Il y a donc une double lourdeur que les consommateurs devront supporter, rendant les énergies renouvelables encore un peu plus chères.

Tout laisse donc penser que le Sénat américain votera pour l’American Clean Energy and Security Act sans inclure la grande hydraulique dans son RES, pour protéger les producteurs locaux. C’est un gain pour les énergies renouvelables qui aura été le fruit d’un compromis politique. S’il n’est pas directement favorable à l’hydroélectricité québécoise, il ne lui est pas non plus directement défavorable.




image L’approche tarifaire québécoise
ne doit pas entraîner de désinvestissement


Par Luc Boulanger
Directeur exécutif, AQCIE


Dans la foulée de la préparation du budget du Québec 2010-2011, qui doit paver la voie au retour à l’équilibre des finances publiques pour l’exercice 2013-2014, l’AQCIE a rencontré le 27 janvier dernier le ministre des Finances, Raymond Bachand, qui s’est montré réceptif à nos arguments. Nous avons tenu à mieux faire connaître les répercussions d’une éventuelle hausse tarifaire par une lettre que nous lui avons adressée le 3 mars, ainsi qu’aux ministres Monique Gagnon-Tremblay (Conseil du Trésor), Nathalie Normandeau (Ressources naturelles et Faune) et Clément Gignac (Développement économique, Innovation et Exportation).

Nous y avons réitéré que, pour créer une richesse optimale dans les régions et dans l’ensemble du Québec, les consommateurs industriels d’électricité devaient être assurés d’un tarif de grande puissance concurrentiel à l’échelle mondiale, dont la progression serait prévisible à long terme.

En raison de la fragilité dans laquelle la perte de compétitivité du tarif de grande puissance (L) a déjà placé certains de nos membres, nous avons fait valoir à ces décideurs qu’une hausse tarifaire pouvait fort bien produire un effet contraire à celui escompté.

Une pilule pire que le mal

Une telle hausse pourrait se traduire par une diminution nette des entrées de fonds pour le Québec, consécutive à une diminution de la consommation industrielle. Pire encore, une délocalisation de la production industrielle entraînerait une hausse des coûts associés aux mesures de soutien économique local. L’addition de ces deux effets constitue le pire scénario en matière de création de richesse.

À la lumière de la récente étude réalisée par E&B DATA auprès des membres de l’AQCIE, nous avons produit un document d’accompagnement à cette lettre qui illustre la gravité de la situation. Nous vous invitons à en prendre ici connaissance :

L’approche tarifaire québécoise
ne doit pas entraîner de désinvestissement

L’électricité comme intrant, une particularité des consommateurs industriels d’électricité

Bien que la facture d’électricité ait un effet sur le budget des autres utilisateurs, son impact est d’un tout autre ordre pour les grands consommateurs industriels d’électricité (GCE), puisque cette facture représente de 25 % à 80 % de leurs coûts de production.

Une augmentation d’un cent du kWh au tarif ne peut sembler raisonnable qu’à un observateur assez éloigné de la réalité des entreprises. Calculée sur le tarif L, cette augmentation d’un cent représente une hausse de plus de 20 %. Et lorsque cette hausse s’applique au tiers, à la moitié ou aux trois quarts des coûts de production, alors elle n’a plus rien de raisonnable.

Pour les entreprises dont le prix des produits est fixé à l’échelle mondiale, et c’est le cas de la plupart des consommateurs industriels d’électricité, il devient impossible de récupérer pareille hausse. Et puisque, sur l’échiquier mondial, il existe de l’électricité à bien moindre coût, l’intérêt d’investir dans les unités établies au Québec décroît d’autant.

Tableau 2

Sources : CRU, E&B DATA, basé sur les tarifs de 122 unités de production dans 41 pays

Plus de 26 pays offrent des tarifs inférieurs à la moyenne pondérée des contrats spéciaux et plus de 35 pays offrent des tarifs inférieurs au tarif L.

Notes :
Moyen-Orient/Afrique : Plusieurs États connaissent un développement intense des GCE, alors qu’ils étaient pratiquement absents il y a dix ans, sauf dans le secteur du pétrole. D’autres pays s’ajouteront à la liste des concurrents du Québec à court terme et à long terme.
Extrême-Orient/Océanie : Plus de 6 États offrent des tarifs plus avantageux que le Québec
Amérique du Sud : Le Brésil devient un concurrent important, sur les plans tarifaire et des autres coûts de construction et d’exploitation. De nouveaux concurrents au Québec devraient s’ajouter dans la décennie.
Europe : Plus de 8 États offrent des tarifs plus avantageux que le Québec, dans le cadre de contrats à long terme et/ou de nouvelles capacités énergétiques.
États-Unis : Plus de 9 États offrent des tarifs plus avantageux que le Québec, dans le cadre de contrats à long terme et/ou de politiques industrielles incitatives.
Chine : Malgré un tarif apparemment moins compétitif, compensé par des coûts de main-d’œuvre, de construction et d’exploitation avantageux, la Chine a déclassé le Québec pour les exportations des GCE. En 2009 la Chine a aussi réduit les tarifs d’électricité dans certains secteurs des GCE.

Un déclin tragique de l’investissement

Depuis plusieurs années, un déclin important de l’investissement s’est amorcé au Québec chez les industries grandes consommatrices d’électricité. Malgré cela, leurs investissements représentent plus de 50 % de l’investissement du secteur manufacturier au Québec. Lorsque la principale source d’investissement se tarit, cela n’augure rien de bon pour les autres secteurs.

Tableau 3a

Source : Statistique Canada, Enquête sur les dépenses en immobilisation 2008. Dépenses réelles pour 1998-2007. Dépenses réelles provisoires pour 2008.

Tableau 3b

Source : Hydro-Québec Distribution. Rapport annuel, 2008, 2007.

Notes :
Les GCE réduisent graduellement leur activité d’investissement. Les immobilisations annuelles sont plafonnées à 2 G$ depuis 2006, alors qu’elles étaient en moyenne de 2,6 G$ depuis 1998 ($ courants).
La structure tarifaire ajoute à certaines faiblesses du climat d’investissement au Québec. Dans plusieurs cas, les entreprises qui ralentissent leurs investissements au Québec réalisent de nouveaux projets à l’étranger pour des produits identiques.

Calculé selon la valeur des grands projets d’investissements industriels annoncés depuis 2006, près des deux tiers de ces derniers sont aujourd’hui remis en question ou ont été abandonnés. Le report ou l’annulation de tels investissements remet souvent en cause la viabilité des capacités de production existantes.

Tableau 4

Source : E&B DATA – Observatoire de l’investissement – 2010, projets d’une valeur annoncée de 100 M$ et plus

Notes :
Plus de la moitié des projets en suspens
Les statistiques officielles sur les immobilisations s’arrêtent en 2007/2008. Plusieurs des annonces d’investissements ont depuis été remises en question. Parmi les grands projets d’investissements (100 M$+) annoncés par les GCE, totalisant plus de 9 G$, 34 % (en valeur) sont actifs et 66 % sont en suspens ou ont été abandonnés. Ce flottement se reflète aussi dans les investissements plus routiniers.
La contribution fiscale des investissements en suspens ou abandonnés ne se matérialisant pas, il en résulte un manque à gagner fiscal ponctuel évalué à 500 M$ pour le Québec.

Il n’est pas rassurant de constater que, non seulement l’investissement a-t-il diminué, mais sa nature a changé au cours des dernières années, allant d’avantage au maintien de l’actif qu’à l’accroissement de la production. Ce changement de priorité est un signe précurseur à une délocalisation de la production des unités québécoises des grandes entreprises.

Il faut aussi souligner que, par leur nature même, les investissements des grands consommateurs d’électricité nécessitent un amortissement de plusieurs décennies. Dans un pareil contexte, non seulement le tarif actuel est-il important, mais la prévisibilité de son évolution revêt aussi un caractère stratégique.

La simple modification du cadre législatif régissant l’augmentation des tarifs envoie un signal inquiétant.

Impact régional du désinvestissement

Plusieurs MRC du Québec sont considérées comme mono-industrielles. Le ralentissement, voire la disparition, de leur moteur économique se traduirait par d’importants paiements de transferts requis sous plusieurs formes par la population et les entreprises locales. Cela occasionnerait des dépenses additionnelles pour le gouvernement du Québec, en plus de la disparition de la source de revenus que représentent ces entreprises.

Tableau 5

Sources : E&B DATA. Statistique Canada, Division des comptes des revenus et dépenses, Comptes économiques provinciaux 2008. Les zones à risque sont caractérisées par leur caractère mono-industriel ou électro-dépendant et/ou la présence de GCE à risque.

Notes :
Selon un sondage mené par E&B DATA auprès des grandes sociétés GCE représentant plus de 65 % de la masse salariale des industries GCE au Québec, les fermetures de capacité anticipées correspondent à une perte de production de 5 à 10 G$. Ces fermetures pourraient toucher 20 MRC rurales et 3 MRC plus urbanisées, pour une population totale de 750 000 dans les régions à risque.
Perte de revenus fiscaux : Une telle perte de production entraînerait un manque à gagner fiscal récurrent de 350 à 700 M$, calculé en fonction de l’apport direct et indirect de la production au PIB et à une contribution correspondante aux revenus autonomes du gouvernement du Québec.
Augmentation de dépenses fiscales : L’augmentation des paiements de transferts provinciaux aux particuliers à des niveaux extrêmes entraînerait une ponction additionnelle de près de 200 M$ pour les MRC rurales, et jusqu’à 400 M$ en tenant compte des MRC plus urbanisées (MRC Saguenay, Pierre-de-Saurel, Trois-Rivières).
Une perte fiscale récurrente de 600 M$ à 1,1 G$ serait donc possible.

En tenant compte des grands consommateurs d’électricité déjà fragilisés par la perte de compétitivité du tarif L et par la concurrence internationale, y compris celle qu’exercent les sociétés sœurs au sein de leur groupe d’entreprises, le Québec pourrait être exposé à des pertes de production de plusieurs milliards de dollars, assorties d’un manque à gagner fiscal allant de 350 millions $ à 700 millions $.

Les paiements de transferts à la population et aux entreprises des régions affectées pourraient augmenter de 250 millions $ à 400 millions $, pour des pertes fiscales totales et récurrentes de 600 millions $ à 1,1 milliard $. De plus, Une augmentation tarifaire pourrait accroître la fragilité des entreprises déjà éprouvées et précipiter de nouvelles entreprises dans ce groupe.

Même s’il est peu probable, à moins de circonstances extrêmes, que tous ces grands consommateurs d’électricité ne soient pareillement affectés, il suffirait de bien peu de ralentissements, fermetures ou délocalisations pour effacer en tout ou en partie les revenus anticipés par le gouvernement de la hausse des tarifs électriques de grande puissance.

Voir au-delà de la grille tarifaire

Les consommateurs industriels d’électricité contribuent de multiples façons à la création de richesse dans les régions et dans l’ensemble du Québec, dont elles fournissent plus du tiers des exportations totales.

Ces entreprises font quotidiennement et directement face à la concurrence internationale. Leur garantir un tarif d’électricité concurrentiel et prévisible est la meilleure façon d’assurer qu’elles continuent à créer au Québec une richesse optimale et à long terme.



QUOI DE NEUF À LA RÉGIE

Par Luc Boulanger

Directeur exécutif, AQCIE


Décision dans le dossier des méthodes comptables

Les écritures comptables de 250 millons $ du distributeur pour se conformer aux normes financières internationales (IFRS), un an avant leur entrée en vigueur, se traduisent par une hausse de 2,6 % de ses revenus. Le glas vient donc de sonner sur l’espoir d’une baisse de tarifs au 1er avril 2010. Non seulement la Régie décide-t-elle de devancer d’un an l’application de cette hausse, parce qu’elle « considère que l’application dès 2010 se situe dans un contexte favorable », mais elle rejette aussi l’idée de maintenir une méthode d’amortissement des actifs propre au régime réglementaire.

Nous nous étions opposés à ce changement, parce que nous jugions qu’il n’était pas opportun de changer une façon de faire qui, pour les clients, respectait parfaitement l’équité intergénérationnelle. Rien dans la loi ou dans les normes n’obligeait la Régie à répondre à ces exigences. Seule Hydro- Québec devait se conformer aux IFRS, et encore pour la production de ses états financiers à vocation générale seulement.

Une décision à inscrire dans le contexte budgétaire

Nous étions conscients que le retour à l’équilibre du budget du gouvernement du Québec passait par une revue en profondeur de la fiscalité et de la tarification de l’ensemble des services publics. Les diverses études produites sur la question, et la comparaison des tarifs québécois avec ceux des autres provinces canadiennes, semblent indiquer qu’en plus d’offrir une quantité et une qualité de programmes nettement supérieures, le Québec pratique une tarification en decà des moyennes canadiennes. Les tarifs résidentiels d’électricité sont à cette image, en s’établissant parmi les plus bas au Canada.

C’est dans ce contexte que la Régie devait prendre sa décision. Tout en reconnaissant son indépendance et ses prérogatives en matière de fixation des tarifs et des conditions de fourniture de l’électricité au Québec, à l’évidence, elle ne fonctionne pas en vase clos. Décider d’une baisse de tarifs dans un tel contexte aurait exigé une preuve pas mal plus probante.

C’est ce qui nous a fait déclarer au quotidien La Presse que les régisseurs « n’ont probablement pas voulu aller à contre-courant et permettre aux tarifs de baisser au moment où tout le monde parle de les augmenter », dans un article paru le mardi 2 mars 2010 sous la plume d’Hélène Baril.



À lire bientôt


 

Gros lot ou prix de consolation ?

Dans le prochain Énergique, vous pourrez lire une analyse de Nicolas Dalmau, directeur Énergie, Alcoa Canada, et vice-président de l’AQCIE, sur les revenus que tire Hydro-Québec de ses exportations d’électricité. Un marché très lucratif, par moments, et très volatil. Cette nouvelle analyse actualisera les conclusions d’une étude qu’il nous avait fournie sur le même sujet dans l’édition de juin dernier de l’Énergique.

 
 

 
  L’Énergique est le bulletin d’information de l’AQCIE. Il est publié quatre fois par année à l’intention des membres et partenaires de l’Association. Toute reproduction est autorisée à condition d’en mentionner la source et de nous en informer au dg@aqcie.org