Printemps-été 2017  
VOLUME 11 | NUMERO 1  
 

 
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Financer la transition énergétique du Québec

Par Geneviève Gauthier
Directrice nationale
et Pierre Langlois
Président
Econoler


Lors de la 21e Conférence des Parties (CdP-21) en 2015, le gouvernement du Québec annonçait qu’il se dotait d’un objectif visant à réduire les émissions de GES de 37,5 % sous le niveau de 1990, cela d’ici 2030. L’atteinte de cet objectif reposerait, entre autres, sur l’atteinte des différentes cibles que s’est fixé le gouvernement dans la Politique énergétique 2030 présentée à la population quelques mois après la CdP-21, soit : améliorer l’efficacité énergétique de 15 %, réduire de 40 % la quantité de produits pétroliers consommés, éliminer l’utilisation du charbon thermique, augmenter de 25 % la production d’énergie renouvelable et augmenter de 50 % la production de bioénergie. L’atteinte de ces cibles permettrait de réduire les émissions de GES de 16 Mt éq.CO2, ce qui équivaut à 18 % des émissions de GES en 1990.(1)

La Politique énergétique 2030 est ambitieuse et vise une importante transformation de la composition du portfolio de production et de consommation énergétique du Québec. C’est Transition énergétique Québec (TEQ), un nouvel organisme provincial créé en avril 2017, qui a comme mission de soutenir, de stimuler et de promouvoir la transition. TEQ devrait donc jouer un rôle de premier plan dans la coordination et la mise en œuvre de l’ensemble des programmes et des mesures nécessaires à l’atteinte des cibles de la Politique énergétique 2030 et, de surcroît, contribuer de façon importante aux objectifs de réduction des émissions de GES annoncés lors de la CdP-21.

Contribution des capitaux privés au financement de la transition énergétique

Sur une période de 15 ans, il est prévu que TEQ puisse mettre à la disposition des ménages, des entreprises et des établissements publics plus de 4 milliards de dollars pour supporter la mise en œuvre de mesures d’efficacité et de substitution énergétiques. Ces fonds, vraisemblablement disponibles sous forme de financement non remboursable, permettront, toujours selon la Politique énergétique 2030, d’atteindre la moitié de l’objectif de réduction des émissions de GES fixé pour 2030 à un coût d’abattement moyen de 250 $/tonne(2). Nous sommes en mesure de croire que les réalités budgétaires sont telles que le gouvernement ne pourra pas financer à lui seul l’atteinte des cibles de réduction des émissions de GES. Ainsi, les capitaux privés devront donc contribuer au financement de la transition énergétique.

Pour atteindre les cibles de réduction des émissions de GES, on peut estimer de manière conservatrice que la contribution des capitaux privés devra au minimum quadrupler pour atteindre plus de 5 milliards d’investissements en 15 ans(3). Pour rencontrer les objectifs qu’il s’est fixé, le gouvernement aura certainement intérêt, à l’instar de certains états américains et d’autres gouvernements dans le monde, à mettre en œuvre des mécanismes facilitant l’essor d’investissement de capitaux privés pour des initiatives d’efficacité et de substitutions énergétiques.

La Loi sur Transition énergétique Québec (L.Q. T-11.02), qui a constitué TEQ, stipule que cet organisme pourra offrir « des services financiers aux entreprises pour la mise en œuvre de mesures de transition, d’innovation et d’efficacité énergétiques ». La Loi stipule également que ces contributions seront sous la forme de subventions ou de prêts, et que le mandat d’octroyer des prêts sera confié à Investissement Québec. C’est assurément un premier pas vers une approche visant à diversifier et à bonifier l’offre de financement.

L’efficacité énergétique comme mode de financement de la transition énergétique

L’efficacité énergétique, contrairement à plusieurs autres mesures de réduction des émissions de GES, est économiquement viable. En effet, les économies d’énergie qui en découlent peuvent à elles seules rembourser les investissements nécessaires. Qui plus est, une fois les investissements récupérés, les économies d’énergie contribuent à l’amélioration de la santé financière de l’entreprise en réduisant ses coûts d’exploitation, en augmentant sa marge bénéficiaire et en atténuant le risque encouru advenant une hausse importante des coûts de l’énergie. Malgré la grande disponibilité de capitaux privés et la viabilité financière des investissements en efficacité énergétique, il y a de manière générale une dissonance entre les besoins des consommateurs d’énergie en matière de financement et les institutions financières.

Dans le contexte de la création de TEQ et de sa mission d’offrir des services financiers aux entreprises, des consultations ont été tenues à l’automne 2016(4). Celles-ci ont été réalisées auprès de représentants de la petite, moyenne et grande entreprise des secteurs commercial, industriel, du transport de marchandises et de l’agriculture ainsi qu’auprès d’autres intervenants du secteur de l’efficacité et de la substitution énergétiques, telles que les associations sectorielles et plusieurs institutions financières.

Les consultations visaient à déterminer les éléments sur lesquels reposent de manière générale les décisions financières des entreprises et à valider en quoi le processus décisionnel est similaire ou diffère lorsqu’il est question d’investissement dans des projets d’efficacité et de substitution énergétiques. S’ajoutait aussi l’objectif de tester l’attractivité de différents mécanismes de financement qui pourraient être mis en œuvre par TEQ pour faciliter la réalisation de davantage de projets d’efficacité et de substitution énergétiques.

Les deux consultations tenues auprès de grands consommateurs d’énergie rassemblaient majoritairement des représentants du secteur industriel lourd. Les barrières au financement de projets d’efficacité et de substitution énergétiques soulevées par ces représentants comprenaient des aspects pour lesquels il serait difficile ou impossible pour TEQ d’intervenir. Par exemple, un contexte mondial peu favorable aux investissements dans certains secteurs de l’industrie et la mise en concurrence de tout projet confondu des usines à travers le monde pour un montant d’investissement annuel limité.

Fort heureusement, plusieurs barrières au financement de projets d’efficacité et de substitution énergétiques mentionnées par les participants peuvent être atténuées par la mise en place de mécanismes qui pourraient, dans le cadre de sa mission, être mis de l’avant par TEQ et ces partenaires. Une perception que le risque des projets d’efficacité énergétique est plus grand que celui d’autres projets d’investissement, un seuil minimal désiré du taux de rendement interne de 20 % et des coûts de transaction des projets élevés (études, planification, préparation au financement et mises en œuvre) représentaient certains des obstacles qui ont été soulevés.

Comment envisager le futur ?

Ces consultations s’inscrivaient dans une démarche de réflexion plus large visant à définir des avenues d’intervention qui permettraient à TEQ de favoriser la multiplication des investissements de capitaux privés afin de répondre à des initiatives d’efficacité et de substitution énergétiques. L’objectif ultime demeure toujours de lever les capitaux (publics et privés) nécessaires à l’atteinte des objectifs ambitieux du gouvernement du Québec en matière de réduction des émissions de GES.

Il va de soi que les barrières au financement de l’efficacité et de la substitution énergétiques sont nombreuses et que certaines sont uniquement attribuables à des cas spécifiques. Quoi qu’il en soit, tout secteur et toute taille d’entreprise confondus, ces consultations ont permis d’établir un ensemble d’initiatives qui permettrait à TEQ, de concert avec ces autres partenaires, de favoriser les investissements de capitaux privés nécessaires à la réussite de la transition énergétique.

La première année d’existence de TEQ sera consacrée à la réalisation du plan directeur qui fera état, pour les cinq prochaines années, des programmes et des mesures qui seront mis en place par TEQ, les ministères, les organismes et les distributeurs d’énergie afin d’atteindre les cibles en matière énergétique définies par le gouvernement. Ce n’est qu’après le dépôt de ce plan directeur que nous saurons si la transition énergétique annoncée dans la Politique énergétique 2030 disposera des outils nécessaires à l’atteinte de ces ambitions. fin

Notes

  1. Ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (2016). Politique énergétique 2030 – L’énergie des Québécois, source de croissance.
  2. 4 milliards de dollars pour réduire les émissions de 16 Mt éq.CO2
  3. En supposant que TEQ contribue à hauteur de 75 % dans les projets qu’elle finance et que le coût d’abattement moyen est de 250 $ par tonne pour l’ensemble des émissions visées par les objectifs de réduction.
  4. Les auteurs de ce texte ont dirigé les consultations.

Notes

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