Hiver 2014-2015  
VOLUME 8 | NUMERO 3  
 

 
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Politique énergétique du Québec –
le processus redémarre



Par Luc Boulanger

Directeur exécutif, AQCIE

Développer une compréhension commune des défis et des possibilités, dégager les consensus, proposer des orientations générales et des engagements concrets, pour faire de la politique énergétique du Québec un levier de création de richesses.

Ainsi résume-t-on les objectifs1 de la nouvelle ronde de consultations sur la future politique énergétique du Québec. La démarche sera lancée par la publication de quatre documents de réflexion sur : les Contexte et défis – Profil énergétique du Québec, les Hydrocarbures fossiles, l’Efficacité et l’innovation énergétiques, et les Énergies renouvelables. Des tables rondes d’experts seront tenues sur ces trois derniers sujets en janvier, mars et mai 2015, suivies de consultations publiques et auprès des communautés autochtones pour culminer à l’automne 2015 avec le dépôt de la nouvelle politique énergétique du Québec.

Un levier de création de richesses

À l’évidence, l’AQCIE et certains de ses membres seraient très intéressés à participer à ces tables rondes. Et nous le serions encore plus, si le développement économique et l’industrialisation du Québec étaient aussi à l’ordre du jour. Difficile en pareille circonstance de se convaincre que la finalité de la politique énergétique du Québec soit véritablement la création de richesses.

Partout au monde, les questions d’énergie et d’activité économique et industrielle sont intimement liées. Ce lien est d’autant plus étroit au Québec que sa structure industrielle s’est largement érigée sur des secteurs utilisant l’électricité de façon intensive, en raison de la disponibilité d’hydroélectricité. Ces industries, en retour, ont contribué à amortir les infrastructures qui font aujourd’hui la fierté des Québécois et dont la production contribue à leur niveau de vie.

C’est pourquoi, plutôt que d’être en marge, le développement économique devrait être au cœur de la future politique énergétique du Québec, afin de tirer pleinement avantage de notre structure industrielle, de dynamiser et de faire croître cette dernière, bref de s’en servir comme du puissant levier de création de richesses qu’elle est.

Lors de la relance du processus de consultation, le ministre Arcand2 soulignait que : « Cette nouvelle politique permettra d’accroître notre leadership en matière d’énergies renouvelables, d’efficacité énergétique et d’innovation technologique, et de mettre en valeur, de façon responsable, l’ensemble de nos ressources et de notre patrimoine commun. Nous voulons utiliser moins de pétrole, utiliser des énergies moins polluantes comme le gaz naturel renouvelable et liquéfié en remplacement du mazout et du diesel. Nous voulons plus d’énergie verte et un développement économique et industriel fort et, par-dessus tout, que notre rapport à l’énergie soit exemplaire en Amérique du Nord. » Que l’exemplarité du Québec dans son rapport à l’énergie soit plus important que son développement économique et industriel en dit malheureusement long… surtout dans le contexte Nord-Américain.

L’AQCIE entend participer activement à la relance des consultations

Bien que les aspects économiques n’occupent toujours pas la place qui leur revient, selon nous, dans cette consultation, ils sont néanmoins plus présents que dans la précédente Commission sur les enjeux énergétiques du Québec. Il est de notre rôle, et de tous les intervenants économiques, d’aider à recentrer les discussions en mettant l’économie et le développement industriel à l’avant plan.

Nous trouvons aussi heureux que le gouvernement ait souligné que les 460 mémoires déposés dans le cadre de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec feront partie de la réflexion. Le sort réservé au rapport issu de ces consultations est moins clair, mais il nous apparaît essentiel que certains éléments clés du rapport de la Commission3 ne se perdent pas. Dans L’Énergique du printemps 2014 nous présentions une analyse de ce rapport4, duquel deux éléments nous semblaient particulièrement structurants.

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Le Projet de loi 28 contredit la vocation
de la future politique énergétique
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Le premier de ces deux éléments, qui n’a manifestement pas été entendu par l’actuel gouvernement, recommandait d’agir « immédiatement pour cesser tout ajout de capacité de production d’électricité »5, soulignant de plus, à l’égard de l’énergie éolienne, que « le rôle premier du gouvernement n’est pas de créer des industries mais bien de mettre en place des orientations structurées et une réglementation facilitant un développement économique durable et profitable pour toutes les régions. »6 Comme nous l’avons vu dans l’article sur le Projet de loi 28 : LA voie à éviter, le gouvernement va directement à l’encore de cet énoncé, non seulement en ayant procédé avec l’appel d’offre de 450 MW d’énergie éolienne, mais en s’assurant de pouvoirs discrétionnaires déraisonnables pour la commande additionnelle d’énergie déjà excédentaire.

Le second élément du rapport de la Commission qui nous semble très important passe malheureusement, lui aussi, à la trappe dans le Projet de loi 28. Il s’agit de l’utilisation d’un Prix d’achat fixé selon les opportunités du marché (PASO), calculé sur les prix de vente hors pointe à l’exportation, pour fixer le prix d’achat des nouveaux approvisionnements d’énergie. L’AQCIE et ses membres verraient pourtant d’un bon œil l’introduction des prix du marché dans l’équation de la tarification québécoise.

Des consultations qui doivent corriger la situation

Les amendements relatifs à l’énergie du Projet de loi 28 imposent exactement le contraire de ce qui est nécessaire pour assurer des tarifs d’électricité industriels compétitifs, stables et prévisibles – sans lesquels aucun développement ou nouvel investissement n’est possible pour les entreprises grandes consommatrices d’électricité qui composent l’épine dorsale de la structure industrielle du Québec.

L’AQCIE se doit de démontrer dans les consultations sur la politique énergétique du Québec combien la voie qu’emprunte actuellement le gouvernement, en se réservant le droit d’intervenir directement dans la fixation des tarifs d’électricité, est mal avisée.

Si la nouvelle politique énergétique du Québec veut réellement soutenir et accroître la création de richesses, elle ne pourra qu’inverser les mesures contenues actuellement dans le Projet de loi 28 en matière d’énergie. fin

Notes

  1. Faits saillants – Vers une nouvelle politique énergétique pour le Québec, ministère de l’Énergie et des Ressources naturelles (MERN)
  2. Le gouvernement engage la démarche vers la future politique énergétique québécoise, communiqué du MERN, le 7 novembre 2014
  3. Commission sur les enjeux énergétiques du Québec, Roger Lanoue, Normand Mousseau, Coprésidents, Maîtriser notre avenir énergétique pour le bénéfice économique, environnemental et social de tous, Gouvernement du Québec, Février 2014, 308 pages
  4. Maîtriser notre avenir énergétique, Survol du rapport de la Commission sur les enjeux énergétiques du Québec
  5. Op. cit. p. 231, Recommandation 41
  6. Op. cit. p.55

Notes

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