Été 2014  
VOLUME 8 | NUMERO 2  
 

 
Pour lire le bulletin, au format PDF, il suffit de cliquer ici ! ›


 
 




Suivi des prix sur les marchés d’exportation


Par Olivier Charest

Analyste pour l’AQCIE et le CIFQ


La publication du rapport annuel 2013 d’Hydro-Québec permet de constater, une fois de plus, le caractère colossal de ses exportations, à près de 30 TWh par an. Un examen des rapports antérieurs démontre qu’à cette fin la société d’État dépend de moins en moins des achats sur les marchés, s’appuyant plutôt sur ses propres ressources. Si elle arrive à profiter de hauts prix pour une partie de ces ventes – voire de très hauts prix, à l’hiver dernier – elle continue d’exporter des volumes importants à des prix inférieurs au tarif L.

Survol

On apprend dans le rapport annuel 2013 d’Hydro-Québec, publié en mai dernier, que les exportations nettes d’électricité1 ont atteint 30,8 TWh, soit sensiblement le même niveau qu’en 2012 (30,1 TWh). Elles ont toutefois été plus profitables, les revenus nets augmentant de près de 25 % entre 2012 et 2013.

En considérant aussi les ventes effectuées grâce à l’achat d’énergie sur les marchés de court terme et autres transactions, les ventes hors Québec ont atteint 32,2 TWh pour des revenus de 1 525 M$, soit 4,7 ¢/kWh. Il est difficile de comparer ce résultat à celui des années antérieures puisque Hydro-Québec a modifié la présentation de certaines données dans son dernier rapport annuel.2 Il semblerait toutefois que le revenu unitaire ait augmenté entre 2012 et 2013.

De tels volumes de ventes sont importants, surtout si l’on considère que la capacité physique des interconnexions, et les autres contraintes, limitent les exportations à un maximum de près de 40-45 TWh par an.3 De fait, une part importante des ventes ont été réalisées à des heures où les prix offerts sont parmi les moins élevés. Hydro-Québec a ainsi rapporté à l’Office national de l’énergie (ONÉ) avoir exporté 19,5 TWh pour 675 M$ sous l’un de ses permis (EPE-359-i) en 2013, représentant un prix moyen de 3,5 ¢/kWh.4

La marge de manœuvre d’Hydro-Québec pourrait s’accroître au cours des prochaines années, avec la mise en service des centrales de la Romaine, dont la première est prévue à la fin de l’année. À court terme, toutefois, Hydro-Québec voudra peut-être réduire ses exportations nettes pour remplir davantage ses réservoirs : au 31 décembre 2013, ses stocks énergétiques étaient de 96,1 TWh, comparativement à 110,7 TWh un an plus tôt (et 110,4 TWh, en moyenne, au 31 décembre de chacune des six années précédentes).5

Évolution des exportations d’Hydro-Québec

À plus long terme, il est intéressant de considérer, en parallèle, l’évolution des ventes hors Québec et des exportations nettes d’Hydro-Québec :

Graph 1

Source : Rapports annuels Hydro-Québec, 2003-2013

On remarque d’abord une augmentation importante des exportations nettes entre 2004 et 2013 (près de 30 TWh), conséquence des surplus découlant des nouvelles capacités de production et d’une demande plus faible que prévu au Québec. L’année 2010 fait figure d’exception en raison d’une faible hydraulicité.

On constate aussi, sur la même période, que les ventes hors Québec augmentent moins rapidement que les exportations nettes. Ceci pourrait s’expliquer par la capacité limitée des interconnexions : les heures de plus hauts prix sur les marchés étant déjà accaparées par les ventes réalisées à même les barrages d’Hydro-Québec, les occasions d’importer pour revendre à profit sont limitées au fur et à mesure que les exportations nettes augmentent. Ceci implique qu’à l’inverse, on pourrait réduire nos exportations nettes (en utilisant davantage d’électricité dans les usines québécoises, par exemple) sans réduire d’autant les ventes hors Québec; les achats sur les marchés venant combler la différence. Certes, le prix d’achat de cette électricité additionnelle serait fort probablement supérieur au coût de production d’Hydro-Québec, réduisant ainsi le profit réalisé, mais si l’on tient compte des retombées économiques associées à la plus grande activité industrielle, le bénéfice pour le Québec est indéniable.6

Pendant ce temps, sur les marchés

L’hiver dernier a été le plus rude depuis l’ouverture des marchés d’électricité en Amérique du Nord, en 1996. Les prix ont atteint des sommets inégalés : à la principale interconnexion avec la Nouvelle-Angleterre (ISO-NE PI/PII), le prix moyen day-ahead pour les mois de janvier à mars 2014 a dépassé les 140 $US/MWh, pulvérisant ainsi les sommets des années 2005 et 2008. L’impact s’est aussi fait sentir sur les réseaux de New York (NYISO Zone M) et de l’Ontario (IESO), bien que dans une moindre mesure.

Graph 1

Sources : ISO-NE, NYISO et IESO

Et l’impact se fera éventuellement sentir ici aussi, sur les tarifs d’électricité. Dans son plus récent dossier tarifaire, Hydro-Québec Distribution inscrit un montant de 380 M$ dans son compte de pass-on, soit le compte lui permettant de récupérer les coûts d’approvisionnement imprévus.7 Cette somme découle notamment d’achats importants sur le marché spot, dont nous faisions état dans la dernière édition de l’Énergique. Plutôt que de récupérer dès 2015 ce montant (ce qui représenterait une hausse additionnelle de 3 % l’an prochain), le distributeur propose d’étaler sur 5 ans (2016-2020)8 le versement aux tarifs de cette somme – et des intérêts qui en découlent – ce qui aurait un impact à la hausse d’un peu moins de 1 % sur les tarifs de chacune de ces années. Et c’est sans compter les coûts de l’Entente globale cadre – soit une entente de dernier recours par laquelle Hydro-Québec Distribution peut acheter de l’énergie à Hydro-Québec – lesquels ne seront divulgués que l’an prochain.

Revenant aux marchés, on note aussi qu'au printemps les prix sont revenus à la normale, se tenant près de leur moyenne printanière des dernières années. Les prix sont même restés bas au mois de juillet – alors que normalement on assiste à un léger regain lié à la climatisation – en raison d’un été plus froid du côté américain. Cette baisse de la demande a eu des impacts importants du côté du gaz naturel, dont le prix spot a diminué de manière importante le mois dernier, permettant du même coup des injections record de gaz naturel dans les entrepôts afin de reconstituer les stocks épuisés l’hiver dernier.9

La congestion sur les infrastructures de transport de gaz devrait par ailleurs continuer de jouer un rôle déterminant au cours des prochains hivers sur le marché de l’électricité en Nouvelle-Angleterre. Au moment d’écrire ces lignes, le prix pour des livraisons aux heures de pointe en janvier 2015 (Mass Hub) atteint 160 $US/MWh, et près de 140 $ et 130 $/MWh en janvier 2016 et 2017, respectivement.10 Bonne nouvelle pour les exportateurs d’électricité. fin

Notes

MISE EN GARDE : Ce document s’appuie sur des informations publiques, obtenues de sources jugées fiables. Son auteur ne garantit d’aucune manière que ces informations soient exactes ou complètes. Ce document est communiqué à titre informatif seulement et ne doit pas être interprété comme une recommandation relative à l’achat ou à la vente d’électricité ou de gaz naturel ou de quelque autre produit que ce soit, qu’il soit réel, financier ou autrement. En aucun cas, il ne peut être considéré comme un engagement et ni son auteur, ni L’Énergique, ne sont responsables des conséquences d’une quelconque décision prise à partir des renseignements contenus dans le présent document.

Notes

  1. Ou « sorties nettes de réservoir ». Hydro-Québec utilise ces expressions en référence aux ventes réalisées sur les marchés à partir des ressources à sa disposition au Québec et au Labrador. Le reste de ses ventes hors Québec provient d’énergie qu’elle a acquise sur les marchés de court terme, surtout lorsque les prix sont bas; ses vastes réservoirs lui permettant alors de « stocker » cette énergie pour la revendre lorsque les prix sont plus élevés.
  2. Par exemple, les revenus tirés des exportations nettes de 2012 sont passés de 1 233 M$ dans le Rapport annuel 2012 (page 55) à 1 099 M$ dans le Rapport annuel 2013 (page 48), pour des volumes similaires. Les données relatives à l’ensemble des ventes hors Québec ont changé aussi : selon le Rapport annuel 2012, Hydro-Québec aurait réalisé cette année-là des ventes de 1 431 M$ pour 35,2 TWh (page 57) alors que, selon le Rapport annuel 2013, il s’agirait plutôt de 1 194 M$ pour 28,1 TWh (page 99). Une telle révision à la baisse de 7 TWh est surprenante, d’autant plus que le volume qui en découle (28 TWh) est inférieur à celui des exportations nettes (30 TWh).
    On trouve aussi, dans le Rapport annuel 2013, un volume de 31,8 TWh (page 2) et des revenus de 1 191 M$ (page 57) pour les ventes hors Québec de 2012, ce qui semble davantage conciliable avec les données relatives aux exportations nettes. En fonction de ces données, le revenu unitaire des exportations 2012 passerait donc de 40,62 $/MWh, selon le Rapport annuel 2012, à 37,45 $/MWh, dans le Rapport annuel 2013.
  3. Estimation de l’auteur
  4. http://www.neb-one.gc.ca/CommodityStatistics/Statistics.aspx?language=french, Électricité, Sommaire des exportations par origine, autorisation et type d'échange, déc. 2013, version PDF p.8
  5. Rapports annuels d’Hydro-Québec, 2006-2013.
  6. Il serait par ailleurs intéressant de voir ce qu’Hydro-Québec pourrait faire si elle n’avait plus aucun surplus, c’est-à-dire en allant chercher sur les marchés l’entièreté de l’énergie qu’elle y revend (sorties nettes nulles).
  7. Dossier R-3905-2014, HQD-9, Doc-7, page 31ml
  8. Dossier R-3905-2014, HQD-3, Doc-4
  9. http://www.eia.gov/naturalgas/weekly/#jm-storage
  10. http://www.cmegroup.com/trading/energy/electricity/nepool-internal-hub-5-mw-peak-calendar-month-day-ahead-swap-futures.html

Notes

Retour au sommaire ›


 
 
  L’ÉNERGIQUE est le bulletin d’information de l’AQCIE. Il est publié quatre fois par année à l’intention des membres et partenaires de l’Association. Toute reproduction est autorisée à condition d’en mentionner la source et de nous en informer au dg@aqcie.org