Automne 2015  
VOLUME 9 | NUMERO 2  
 

 
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Suivi des prix à l’exportation


Par Olivier Charest

Directeur énergie, Canada
Alcoa – Groupe Produits Primaires et
Trésorier de l'AQCIE


Le prix de l’électricité sur les marchés voisins atteint un nouveau creux, en dollars US, miné par les faibles prix du gaz naturel. Si une hausse semble probable l’hiver prochain, celle-ci s’annonce pour l’instant beaucoup moins importante que celles qu’on a connues au cours des derniers hivers. Mauvaise nouvelle pour les exportateurs québécois d’électricité, qui sont toutefois avantagés par la faiblesse du dollar canadien.

Le prix moyen day-ahead (DAM) sur le marché NYISO (Zone M) au cours du mois d’octobre 2015 a été de moins de 17 $US/MWh, soit un peu plus de 2 ¢/kWh en $CA. S’il est vrai que les prix sont généralement plus bas en octobre – mois sans trop de climatisation ni de chauffage – il s’agit néanmoins d’un creux pour les 10 dernières années.

À l’exception du mois de février, le reste de 2015 sur NYISO n’est guère mieux. De janvier à octobre 2015, le prix moyen sur ce marché a été de près de 28 $US/MWh, comparable aux résultats de 2012, mais nettement inférieur à la moyenne des autres années. Sur cette période, le prix DAM à NYISO (Zone M) se retrouve sous la barre des 40 $US/MWh près de 90 % du temps et, plus souvent qu’autrement, sous la barre des 25 $US/MWh.

NYISO (Zone M) Day ahead Source : NYISO - cliquer pour agrandir

Les marchés de l’Ontario (IESO) et de la Nouvelle Angleterre (ISO-NE) ne sont pas en reste : ici aussi, les bas prix du gaz naturel se sont fait sentir depuis la fin de l’hiver, avec des prix moyens pour les mois d’avril à octobre 2015 de près de 20 $CA/MWh (HOEP) et 28 $US/MWh (DAM, PI/PII), respectivement.

Prix sur les marchés d’exportation Sources : NYISO; ISO-NE; IESO - cliquer pour agrandir

Gaz Naturel

Cette baisse du prix de l’électricité n’est pas étrangère à celle du prix du gaz naturel. Alors que les réservoirs sont pleins, que la production demeure élevée et que plusieurs s’attendent à un autre hiver doux – conséquence possible du phénomène El Niño qui se tramerait dans l’océan Pacifique – le prix du gaz naturel a continué en 2015 sa chute amorcée au début de 2014. Ainsi, le contrat à terme pour novembre 2015 à Henry Hub a fini sa course à 2,033 $/MMBtu. Le prix spot est même tombé légèrement sous la barre des 2 $US/MMBtu fin octobre, se rapprochant des bas prix du printemps 2012.1

Les prix offerts présentement pour les contrats à terme de gaz naturel laissent présager que les bas prix sur les marchés voisins de l’électricité sont là pour rester pendant quelques années encore. Certes, pendant les mois d’hiver, on constate parfois des augmentations importantes des prix dans le Nord-Est du continent, lorsque les capacités de transport de gaz naturel sont atteintes, ce qui s’est produit au cours des derniers hivers. Rappelons toutefois que la situation s’est améliorée entre l’hiver 2013-14 et l’hiver 2014-15 pour les consommateurs d’électricité sur ce marché grâce, notamment, à l’utilisation de gaz naturel liquéfié et à la baisse du prix du pétrole.2

Cette amélioration, conjuguée à l’annonce d’un hiver doux, pourrait expliquer pourquoi les contrats à terme d’électricité sur ISO-NE pour l’hiver prochain se transigent, au moment d’écrire ces lignes, à de plus bas niveaux que l’an dernier.

À plus long terme, par ailleurs, la région devrait pouvoir compter sur de nouvelles capacités de transport de gaz naturel. Peut-être ces capacités s’avéreront-elles insuffisantes en cas d’hivers extrêmes ponctués de « vortex polaires » (comme l’ont été les deux derniers hivers), mais pour les hivers normaux et doux, on risque de ne plus voir de flambées des prix de la même ampleur.

Rentabilité d’Hydro-Québec Production

Malgré cette baisse des prix sur les marchés, Hydro-Québec Production (HQP) semble s’être bien tirée d’affaire au troisième trimestre de 2015. En effet, HQP rapporte, selon l’Office national de l’énergie, des revenus de 357 M$CA pour 7,33 TWh exportés aux États-Unis cet été, soit environ 4,9 cents/kWh ($CA).3 Ce résultat est nettement supérieur aux prix spot moyens que l’on a vus sur ces marchés, même lorsque l’on tient compte de la chute du dollar canadien, qui rend les exportations d’autant plus profitables en monnaie locale.

On peut ainsi se demander si HQP n’a pas réussi à se protéger contre la baisse des prix sur les marchés grâce à des ventes à terme (hedging) conclues plus tôt, ce qui pourrait aussi, le cas échéant, lui garantir de bons revenus l’hiver prochain malgré la baisse observée au cours des derniers mois. On se rappellera, à l’inverse, que HQP avait réalisé un prix à l’exportation inférieur à ceux des marchés spot lors des derniers hivers, là aussi, probablement en raison de transactions à terme.4

Cela dit, si les exportateurs arrivent à s’isoler ainsi de la volatilité des marchés de court terme, ils demeurent sujets aux tendances de plus long terme, décrites plus haut. Tôt ou tard, ils subiront les impacts des fluctuations du prix du gaz naturel, et ce, malgré la baisse du dollar canadien. Pour maintenir sa rentabilité, HQP pourra éventuellement compter sur de nouvelles recettes provenant de la vente de puissance sur le marché québécois.5 Mais elle aura aussi à assumer de nouveaux coûts découlant de la mise en service progressive du complexe La Romaine.

C’est peut-être du côté de ses achats que HQP réalisera des économies. En effet, plusieurs contrats découlant du programme APR-91 sont arrivés, ou arriveront prochainement, à échéance. Si le renouvellement de ces contrats était déjà prévu, le prix resterait encore à déterminer dans certains cas cependant.

Pour trois centrales, la question de la reconduction (ou non) de la formule de prix lors du renouvellement aurait récemment fait l’objet d’un arbitrage.6 Les arbitres, trois ex-juges de la Cour d’appel, auraient donné raison à Hydro-Québec, lui permettant de proposer une nouvelle formule de prix (présumément plus basse), en prévoyant toutefois qu’en cas d’impasse, la question retournerait en arbitrage.7

Peut-être qu’ici les bas prix sur les marchés d’exportation joueront en faveur de HQP, en justifiant un prix inférieur pour le renouvellement de ces contrats d’achat d’électricité. fin

Notes

MISE EN GARDE : Ce document s’appuie sur des informations publiques, obtenues de sources jugées fiables. Son auteur ne garantit d’aucune manière que ces informations soient exactes ou complètes. Ce document est communiqué à titre informatif seulement et ne doit pas être interprété comme une recommandation relative à l’achat ou à la vente d’électricité ou de gaz naturel ou de quelque autre produit que ce soit, qu’il soit réel, financier ou autrement. En aucun cas, il ne peut être considéré comme un engagement et ni son auteur, ni L’Énergique, ne sont responsables des conséquences d’une quelconque décision prise à partir des renseignements contenus dans le présent document.

Notes

  1. Henry Hub Natural Gas Spot Price, U.S Energy Information Administration
  2. Voir notamment : Suivi des marchés, Olivier Charest, L’Énergique, Printemps 2015; Wholesale electricity prices and demand in New England, communiqué de l’ISO-NE, 26 février 2015.
  3. Voir les statistiques de l’Office national de l’énergie
  4. Voir nos articles dans L’Énergique du Printemps 2014 et de l’Automne 2013
  5. Les contrats conclus lors du dernier appel d’offres, pour combler des besoins de 500 MW, devraient rapporter environ 50 M$/an à HQP, uniquement en puissance.
  6. Les petits producteurs perdent une bataille contre Hydro, Maxime Bergeron, LaPresse+, 20 août 2015.
  7. Ibid.5

Notes

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